La Fin des cartes. Workshop 2. Conversation m(é)lée

Premier mél d’Andrea Urlberger au deuxième jour du workshop à l’adresse du rédacteur du blog du workshop.
Andrea
Le 16 octobre 2013 à 12:26, Andrea Urlberger a écrit  à Negar Hashemi
Bonjour
je vous envoie quatre images de notre « location walk » d’hier.
bonne journée de travail, à demain après-midi, amitiés
Andrea

parc passage souterrain
Deux de ces photos de deux spots où exercer le sand mapping (voir programme  au post précédent), parc Citroën près de l’Université Paris 1, —la face B, verte—, d’une opération globale de sand mapping dont la face A serait l’urbaine Tour Eiffel : Peut-être, la forme très simple du cercle arrive à capter un petit bout de cet espace complexe Tour Eiffel… et le parc André Citroën qui m’apparaît en creux ce qui est la Tour Eiffel en plein .. ??? résume très bien Andrea à la fin de la longue conversation tressée à trois, par mél, entrem(é)lée, entre elle, Karen et moi : La question de la performance collective finale du jeudi 24 octobre est posée avec la Tour Eiffel en point de mire.

Liliane
Le 18 octobre 12:50, Liliane Terrier a écrit :
hello
je ne sais même pas comment on va sur le blog du workshop. J’y ai renoncé. On est à un stade du workshop où il faut du texte pour en tirer les leçons et préparer la dite performance de jeudi. Premier point, les participants sont très sympathiques.
Je pense poster l’extrait du texte de Jean-Louis B. du livre Habiter les aéroports, page 34-35 sous le titre «Le territoire lit notre carte» (par smartphone interposé… voir post suivant) La bouteille de sable accrochée  à notre cheville en est un révélateur, et c’est un sablier portatif. La dimension de vanité s’éprouve quand on pratique les tracés de sable linéaires et imparfaits dans la rue. Mais c’est le tracé du cercle du sable, autour d’une personne pivot central par le jeu de la corde accrochée au niveau de son mollet, tendue comme un rayon au bout duquel la bouteille de sable est maintenue fermement au ras du sol, par la main d’une deuxième personne qui trace le cercle, en laissant échapper le sable régulièrement de la bouteille, et qui donne un trait parfait fermé  échappant ainsi au syndrome du sablier-vanité. Sentiment d’immobilité sereine. Slow art. Enfermement sinistre ou confortable.
Andrea, si tu trouves des textes de Peter Sloterdijk  sur le cercle ce serait bien. On peut aussi chercher du côté art, zen et occidental. Si on persiste dans l’idée de la performance à la Tour Eiffel qui est juste à mon avis : on a les technologies médiatiques en toile de fond. Je cherche le texte de Barthes sur la tour Eiffel  (voir post suivant-suivant): Opérer au milieu des touristes est aussi bien mais à mon avis, il faut le faire en douceur. On pourrait dire des textes en plusieurs langues dans des cercles (de paroles) dessinés au sol : cercle littéraire des poètes disparus.
Je vais tenter de contacter Lucy Orta par sa galerie, je ne sais pas si Karen a eu aussi un contact avec elle. Elle avait fait des performances dans la rue avec un groupe de personnes habillé d’une combinaison collective de survie. On pourrait y ajouter nos bouteilles de sable à la cheville. Elle travaillait avec Virilio déjà sur les sans abri. L’idée de survie associée à celle de sablier n’est pas mal. Groupons-nous et demain etc.
J’ai pensé aussi qu’on pourrait distribuer aux touristes des tirages papiers format cartes postales reproduisant des œuvres prenant la tour Eiffel comme figure (comme dans la scène  des Carabiniers de Godard).
On peut peut-être aussi revisiter le conte du Petit Poucet, ce sont des cailloux certes pas du sable, et je ne me souviens plus du tout de la fin de l’histoire de cette pauvre famille nombreuse sans papier sans doute?

Sable et bouteille en plastique sont les deux mots qui nous occupent l’esprit depuis trois jours.

Je viens de lire dans le Libé de jeudi 16 octobre, la rubrique de Mathieu Lindon, à propos du livre Double Négatif d’ Ivan Vladislavic — raccord au sable :

«Soyez incommodant. Soyez le grain de sable dans les rouages du monde, pas la goutte d’huile. Un grain de sable ? Fallait-il me laisser réduire à néant ? Me laisser moudre ? C’était abject. On pouvait sûrement être le bâton proverbial dans les roues de l’oppression plutôt qu’une poignée de poussière, non ? Mieux vaut être le marteau que l’enclume.» Les questions d’identité individuelle étaient difficiles à résoudre dans l’Afrique du Sud de l’apartheid.

Et en contrepoint, la goutte d’huile (le fioul): le récit des plongeurs qui ont récupéré les corps au large de Lampedusa (mieux que Multiplicity) :Libération, 17 octobre 2013

«Lampedusa : «On n’arrivait pas à séparer les corps pour les remonter» ERIC JOZSEF (à Lampedusa). Témoignage. Le chef de l’équipe de plongeurs chargée de récupérer les cadavres raconte l’intervention.

«Aujourd’hui, après notre dernière plongée, un groupe de dauphins nous a accompagnés jusqu’à la rive, comme pour nous remercier.» Le responsable du groupe des sauveteurs esquisse un sourire à peine perceptible. Tenu au devoir de réserve, l’officier souhaite rester anonyme. Mais devant le poste de commandement des carabiniers de Lampedusa où il attend de repartir pour Rome, le gaillard, entouré de ses hommes, ne cache pas qu’après dix jours dans les entrailles de l’épave du navire naufragé le 3 octobre, il a besoin de parler : «On en a pourtant vu d’autres. Nous sommes habitués à faire face à des terroristes ou à des trafiquants. Mais jamais nous n’aurions pu imaginer ce que nous venons de vivre

«Magma». 
Arrivée sur la petite île quelques heures à peine après la tragédie, l’équipe spéciale de plongeurs sous-marins a eu la tâche de repérer le bateau à 47 mètres de profondeur, de récupérer les corps au fond de l’eau ainsi que les centaines de cadavres flottant en surface. «Nous sommes entraînés pour descendre à cette profondeur mais dans un premier temps, l’impact psychologique nous a paralysés. On a découvert un magma de chairs entassées. Le bateau s’est renversé et le fioul s’est répandu, bloquant les issues et recouvrant les corps. On n’arrivait pas à progresser. Comme dans le cercle d’un enfer de Dante. Des grappes de jeunes qui pouvaient avoir l’âge de nos fils. On n’arrivait pas à les séparer pour les remonter à la surface. Une mère serrait si fort son enfant que mon collègue, un colosse de 2 mètres, n’arrivait pas à les détacher.» Une pause. «On ne peut pas se préparer à de telles scènes à l’entraînement. C’est une situation hors du commun. Nous avons dû changer de bouteilles d’oxygène, en prendre de plus petites pour avancer dans les cales remplies d’huile. Normalement, à cette profondeur, on ne doit pas rester plus de dix minutes mais nous faisions des descentes de vingt minutes. Nous avons remonté le cadavre d’une femme enceinte. En arrivant à la surface, avec la force de la pression, l’enfant mort est sorti de son ventre.»

«Bouteilles».
 L’officier italien au crâne lisse et aux yeux clairs cherche le regard de ses hommes assis autour de lui : «Nos masques s’étaient emplis de larmes». «Nous avons mis six jours pour bonifier l’épave. On a retiré 67 corps au total. Ils étaient couverts d’huile, on n’arrivait pas à les saisir, surtout les enfants. Sous l’effet de l’eau salée, ils ont commencé à se déformer. Puis nous avons récupéré tous les autres, des centaines, qui dérivaient à la surface. Certains avaient vidé des bouteilles d’eau en plastique pour s’en servir comme d’improbables bouées. Généralement, le soir, on se laisse aller pour évacuer la tension. Pas cette fois. On a eu dix nuits d’idées noires. Je n’ai même pas réussi à parler par téléphone à mon fils de 15 ans.»

Karen
Le 20 oct. 2013 à 09:41, Karen O’Rourke a écrit :
Salut les filles,
Et si on essayait de déterminer où commence la tour Eiffel ?  Déterminer des critères : noms des commerces (L’hôtel d’Esther et Ivar à La Motte Piquet s’appelle citadines tour Eiffel), présence d’étrangers, possibilité de cadrage photo (mais là on irait très loin), cadrages des cartes postales.  On pourrait ensuite l’entourer d’un grand cercle (qu’on passerait la dernière semaine à tracer ;-). Ici finit Paris et commence la tour Eiffel – un état dans l’Etat comme le Vatican.
Où alors réunir un échantillon représentatif de cartes postales et trouver pour chacune le point de vue du photographe, que l’on entourerait d’un cercle (pour l’indiquer aux photographes désireux de faire des photos ressemblantes). Pour Terra Numerica on a cherché à créer une image 3D à partir d’un nuage de points utilisant des photos géo-localisées sur Flickr.
Qu’en pensez-vous?

Andrea
Le 20 oct. 2013 12:24, Andrea Urlberger a écrit : 
J’aime bien cette comparaison … un Vatican sans pape ?
andrea

Karen
Le 20 oct. 2013 à 12:30, Karen O’Rourke a écrit :
Qui a besoin d’un pape quand on a une dame de fer ;-)

Andrea
Le 20 oct. 2013 13:23, Andrea Urlberger a écrit :
mais il y a peut-être pas de limite claire, mais plutôt une juxtaposition, superposition des mondes … entre les Parisiens qui habitent autour du Champ de mars et les touristes … un télescopage … des couches multiples …Vatican ou mille-feuilles ? le mille-feuilles du Vatican?

Karen
Le 20 oct. 2013 à 13:36, Karen O’Rourke a écrit :
on pourrait les interroger… ou alors c’est nous qui fixerons la limite: on expliquera aux touristes qu’ils ne doivent pas franchir le cercle, au delà ils seront obligés de parler français ;-)
As-tu joué à ce jeu-là en famille? Quand mon fils était petit, je lui parlais en anglais, il me répondait en français. Il ne parlait anglais qu’à partir du moment où on se trouvait sur le sol américain, en attendant de passer l’immigration.

Liliane
Le 20 octobre 2013 à 15:52, Liliane Terrier a écrit :
ça c’est une super idée!
mais je crois qu’il faudrait déjà que la personne qu’on choisit comme pivot du cercle et que l’on entrave avec la corde autour d’une de ses jambes, soit la première actrice sollicitée, lui donner la parole le temps qu’elle se soumet à l’exercice de tracer le cercle dont elle est le centre. elle est actrice de son cercle, ça me rappelle toujours le texte de Segalen qui rappelle que partout où est l’empereur il est au centre du monde, son corps vertical indique une cinquième direction vers le ciel! je vais retrouver ce texte qui est très beau!
j’ai trouvé ça sur facebook, http://landartaparis.over-blog.com/ le land art, le retour! ça ne finira jamais! Je connais l’un des deux curateurs de l’opération landartparis, c’est un bon étudiant de Jérôme Glicenstein, Rémi Delaplace, je vais lui écrire…
Je crois qu’on devrait faire une petite bibliographie, voire même apporter des livres pour faire un petit cercle théorique digne de ce nom, mardi et mercredi, autour d’une vraie table, dans un lieu calme, il y a parmi les participants, des personnes motivées par la théorie, P. qui a soulevé les bonnes questions, danse-art, le vide de mémoire de notre action de traçage au sol, nous sommes dans l’ici et maintenant pur et dur et vide, reste donc le passé du lieu où l’on intervient, et son actualisation verbale. La Tour Eiffel c’est bien, le grand cercle autour de la Tour Eiffel, genre TAZ, Vatican 2, c’est bien!
Je ne crois pas du tout à la notation des mouvements du corps (danse notation) avec le sable (Trisha Brown et les chorégraphes prennent eux-mêmes en main ce drawing au sol de leurs mouvements et la référence en amont c’est Labban).
On ne devrait pas renoncer à nos lieux dans le parc Citroën, photos d’Andrea. Le pendulum sous le passage en filmant quand les trains passent,  et sur le chemin vert gazonné, trouver une actualisation de la trace de Richard Long, peut-être une conversation à plusieurs personnes qui marchent en parlant mais avec leur bouteille-sablier à la cheville, un peu ce qui s’est passé quand on y était….

Andrea
Le 21 octobre 2013 11:27, Andrea Urlberger a écrit :
Donc on a un lieu global
— Tour Eiffel, capté par un cercle (dedans dehors), et/ou une juxtaposition de cercles (qui ne correspondent pas tout à fait), car : il y a des touristes qui viennent dans ces lieux, mais les habitants des centres urbains riches sont des personnes qui se déplacent énormément (producteur de co2 importants), ils sont touristes ailleurs … (ou dans ce cas, ont des multiples lieux de vie), donc ça fait des mouvements de l’extérieur vers l’intérieur et de l’intérieur vers l’extérieur (dans ce petit Etat Tour Eiffel, tout bouge) ..
puis vous deux avez évoqué des conversations, parler une langue ou une autre, dedans ou dehors … les langues maternelles et l’anglais pour tous (avec des accents divers).
Peut-être, cette forme très simple du cercle arrive à capter un petit bout de cet espace complexe Tour Eiffel… et le parc André Citroën qui m’apparaît en creux ce qui est la Tour Eiffel en plein .. ???
à demain (j’ai déplacé un rdv à vendredi, donc, je pourrai venir demain matin ..10h).
amitiés
andrea

Karen
Le 21 oct. 2013 à 11:40, Karen O’Rourke a écrit :
 Super! Il faut qu’on mette toutes ces idées sur le blog. J’ai fait une proposition très simple ici: http://sandnotations.wordpress.com/2013/10/20/iron-lady-performance/
Le globish est la langue frontière, là où se trouve le tracé de sable, à l’intérieur du cercle c’est la tour de Babel, à l’extérieur le français des gens cultivés (on est «entre nous» et on regarde ces hordes de haut?).
C’est un parc pour Parisiens? Quels Parisiens?