Lauren Bacall. In memoriam

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Café de l’industrie, rue Saint Sabin, au zing duquel, on croise toujours Fred, notre ex-coiffeur de Rock Air. Lauren Bacall in memoriam pour ce magnifique modèle de coiffure (le carré cranté) partagée par de nombreuses actrices hollywoodiennes des années quarante…

La Fondation Jean Arp (et Sophie)

http://www.fondationarp.org/pages/fondation_acces.aspx. Mais c’est Sophie qui a dessiné la maison. Tout sur Sophie http://www.fondationarp.org/pages/taeuber_parcours.aspx
Et pour Nicole tout sur Arp http://www.fondationarp.org/pages/arp_onmyway.aspx
Et aussi sur le chemin, la villa atelier de Theo Van Doesburg >http://www.avivremagazine.fr/home/article.php?articleCode=11
Beaucoup de documents sur Dada surle Tumblr de Juliette Bertron http://archives-dada.tumblr.com/submit
Exposition de Sophie Taeuber en cours à Aarau entre Zurich, Bâle et Berne
http://www.aargauerkunsthaus.ch/fr/aargauer-kunsthaus/acces/
23.8.2014 – 16.11.2014
http://www.aargauerkunsthaus.ch/fr/expositions/actuel/?showUid=285&cHash=f96fe8df2f8336ef179618015bf6a0e0
Musée agrandi par Herzog & de Meuron et Rémy Zaugg http://www.aargauerkunsthaus.ch/fr/aargauer-kunsthaus/

Catherine Malabou lue par Patrice Maniglier. Kant c’est plastique

Une forme de lecture rapide par Patrice Maniglier* du livre de Catherine Malabou: Avant demain. Epigenèse et rationalité**, in « Le Monde des livres ».
Apparaît très vite dans le corps de l’article le concept indispensable de « réalisme spéculatif  » d’un troisième philosophe Quentin Meillassoux***.

Patrice Maniglier:
« Comment sortir de Kant ? La question est, qu’on se le dise, d’une brûlante actualité. Les générations nouvelles sont lasses de cette manière qu’a le « vieux Chinois de Königsberg » (comme l’appelait Nietzsche) de nous enfermer dans notre relation aux choses, en interdisant tout accès aux choses mêmes. Le succès du  » réalisme spéculatif « , mouvement dont le philosophe français Quentin Meillassoux (Après la finitude, Seuil, 2006) passe pour le chef de file, mais qui a été en réalité constitué à l’étranger, surtout en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, est un symptôme de cette impatience. On y vilipende le  » corrélationnisme « , qui nous condamne à la corrélation de l’esprit et du monde, et l’on revendique la possibilité de dire quelque chose de vrai sur la réalité en soi (réalisme) par la seule puissance de la raison (spéculatif).
Mais la menace vient aussi du matérialisme spontané des neurosciences, pour qui l’idée kantienne de redéfinir la philosophie comme la science des conditions de toute expérience possible paraît outrecuidante : notre connaissance du monde n’est pas conditionnée par de mystérieux a priori, mais par notre cerveau, lui-même résultat de l’évolution. Bref, réalisme métaphysique d’un côté, matérialisme scientifique de l’autre, Kant est pris en tenaille.
Le livre de la philosophe française Catherine Malabou, Avant demain. Epigenèse et rationalité, se propose de desserrer l’étau. Son auteure, professeure à l’université Kingston, à Londres, a déjà proposé des relectures marquantes de Hegel (L’Avenir de Hegel, Vrin, 1994) et de Heidegger (Le Change Heidegger, Léo Scheer, 2004). Elle y mettait au travail la notion de plasticité, capacité de se transformer et de donner forme en se laissant affecter par l’extérieur, par laquelle elle abordait aussi des questions contemporaines, celles du cerveau (Que faire de notre cerveau ?, Bayard, 2004) ou du féminisme (Changer de différence, Galilée, 2009). Elève de Derrida, elle développe une oeuvre cohérente qui reprend les enjeux de la déconstruction avec de nouveaux moyens : là où Derrida privilégiait l’écriture, en accord avec son époque, celle des codes et des programmes (génétiques, informatiques, politiques), elle avance la forme plastique qui se définit par la manière dont elle se donne à être trans-formée et à transformer ce qui l’affecte.
Sur le mode d’une enquête Avant demain poursuit ce travail. Kant soutenait que la raison, par ses seuls moyens, ne peut rien dire sur le monde ; il faut qu’elle soit informée par l’expérience. Cependant l’expérience, elle, est conditionnée (par le temps, l’espace, la causalité, etc.), et ces conditions ne sauraient être dérivées de l’expérience. Vous ne les trouverez pas sous votre microscope, puisqu’il faut que vous les ayez déjà acceptées pour reconnaître comme un fait ce que vous voyez dans votre microscope ! Mais ces conditions (que Kant appelle  » transcendantales « ) ne sauraient, non plus, être nécessaires en elles-mêmes. Elles sont nécessaires pour nous. Il se trouve que notre expérience n’est possible que par elles. D’où leur instabilité : sont-elles une sorte de fait contingent, ou bien une nécessité ?
Cette question hante la philosophie moderne. Le livre de Malabou traverse les grandes lectures de Kant, mais sur le mode d’une enquête, en prenant pour indice une expression que Kant utilise très précisément au paragraphe 27 de Critique de la raison pure :  » épigenèse de la raison pure « .
L’épigenèse s’oppose à la préformation : celle-ci soutient qu’un corps est le développement d’un programme entièrement déterminé ; celle-là, au contraire, qu’il est le résultat d’une aventure embryonnaire toujours en contact avec son dehors. Parler d’épigenèse de la raison, c’est donc suggérer que le transcendantal n’est pas juste  » ainsi et pas autrement  » ; il est le résultat d’un développement. Mais – et tout l’intérêt du livre de Catherine Malabou est là – l’épigenèse n’est pas une remontée à l’origine ; elle est au contraire l’ouverture à une transformation de soi : elle  » joue avec les forces de son propre dehors à partir de ses ressources créatrices, formatrices et transformatrices. On parvient ainsi à définir le coeur de la rationalité comme milieu mobile entre constitution et dessaisissement de soi « .
Catherine Malabou retrouve ainsi le fil conducteur de toute son oeuvre, la plasticité. Cela lui permet aussi de proposer une belle interprétation du thème du vivant chez Kant, dans lequel  » la raison se rencontre elle-même comme un fait dans la nature « , comme elle  » se voit vivre  » dans le cerveau. Cette tentative de réconciliation de Kant avec l’histoire, le vivant, le cerveau est menée sans concession mais avec une douceur toute pédagogique. On pourra regretter que sa nouveauté par rapport à toutes les entreprises qui lui font écho, -depuis Humboldt jusqu’à aujourd’hui, en passant par Cassirer, ne soit pas plus nettement explicitée. Mais la vérité est que  » sortir de Kant  » est un mot d’ordre de la philosophie… depuis Kant ! Ce n’est donc peut-être pas pour demain. »
patrice Maniglier
Avant demain. Epigenèse et rationalité, de Catherine Malabou, PUF, 352 p., 21 euro.
* Patrice Maniglier est un des personnages clé du projet Enquête sur les modes d’existence de Bruno Latour http://www.modesofexistence.org
Il s’était qualifié de « bedeau » du colloque de bilan de l’expérience en juillet.
** la page sur le site des Puf
http://www.puf.com/Autres_Collections:Avant_demain._Épigenèse_et_rationalité
*** Les cours de Quentin Meillassous > http://hollmanlozano.tumblr.com/post/70397451890/quentin-meillassoux-les-conditions-de-la-contingence

La météo, quel avenir?

A l’échelle mondiale, les météorologues prévoient le pire
C’est un tableau très noir qu’ont dressé les centaines de scientifiques réunis à Montréal lors d’un congrès international,  » La météo, quel avenir ? « , qui s’est achevé le 21 août. Episodes polaires et caniculaires de plus en plus extrêmes, montée des eaux, etc. :  » La question n’est plus de savoir si le réchauffement de la Terre va voir lieu, c’est irréversible, et la population mondiale continue d’augmenter. Il faut que l’on s’adapte « , a martelé Jennifer Vanos, de l’université Texas Tech, aux Etats-Unis.
Les experts réunis à l’initiative de l’Organisation météorologique mondiale (un organisme onusien) ont notamment expliqué la manière dont les transports allaient être perturbés.  » Le changement climatique donne plus de force aux jet-streams, les courants d’air rapides situés à une dizaine de kilomètres d’altitude, où les avions de ligne évoluent. D’ici à 2050, les passagers passeront deux fois plus de temps de vol dans les turbulences « , a expliqué Paul Williams, de l’université britannique de Reading.
La quiétude des passagers du transport maritime sera aussi troublée car les navires vont affronter des vagues géantes sur les océans, jusqu’à 40 mètres de hauteur.
http://www.sciencesetavenir.fr/nature-environnement/20140822.OBS6919/changement-climatique-il-serait-encore-pire-que-prevu.html

Serge Leclaire. L’expérience comme tissu

« D’après une image empruntée à Serge Leclaire, on peut comparer l’expérience constituée à un tissu. Ce tissu est composé d’une trame qui permet au tissu de tenir. Dans le cas du refoulement, il y aurait une déchirure, une sorte d’accroc dans cette trame, qui est toujours susceptible d’être reprisée. Par-contre dans le cas de la forclusion, il y aurait un défaut dans la trame même, comme si les fils, au moment de la confection, ne se seraient pas mis en place. Le trou qui en résulte ne peut pas, cette fois, être reprisé, puisqu’il n’y a pas de prise à la reprise. Alors pour combler ce trou il faudrait mettre une autre pièce d’étoffe, ce qui n’empêche pas le trou en lui-même d’exister.
La forclusion est donc un trou, un vide. Il va aspirer toute une série de signifiants, à la place du signifiant qui manque. »
In > http://psychiatriinfirmiere.free.fr/infirmiere/formation/psychologie/psychologie/forclusion.htm

Ilya Budraitskis. Hope in a Hopeless Situation

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Ukrainian military jet aircraft Su-25 fires decoy flares to protect itself in a counter attack operation after the seize of a terminal in Donetsk airport by pro-Russian militias. Photo: Evegny Feldman

Les auteurs d’E-flux -Julieta Aranda, Brian Kuan Wood, Anton Vidokle- se collent à l’actualité politique:

« The upcoming September issue of e-flux journal will be the second part of two issues on the new fascism and its relation to humanist time. Basically the implicit question is how artists can produce anything other than soft branding for ultranationalist dictators and bloodthirsty post-national identitarian warlords. The first issue is online here and Ilya Budraitskis’s urgent statement on the absence of antiwar movements in Russia comes in advance of the September issue. »

Et publient en ligne cet article d’d’Ilya Budraitskis : « Hope in a Hopeless Situation »

« Why is there no antiwar movement in Russia? Why are so few people willing to take to the streets to publicly accuse the government of furthering the war in Eastern Ukraine? People who supported the March 15 peace march in downtown Moscow still pose these questions to each other. Their numbers are constantly shrinking, but the point is that even those people who still support the spirit of protest no longer have any confidence that protest can change anything.

If the new war (or prewar) footing into which Russian society is sinking deeper has a point of consensus that unites different social and cultural strata, it is the smothering, eerie awareness of society’s total powerlessness in the face of interstate conflict. The flood of news has overwhelmed the already fragile system of coordinates used by individual citizens. Their psyches cannot withstand the strain, surrendering to the unknowable, opaque logic of events, a logic seemingly less and less amenable to anyone’s specific will. « It is not the mind that controls the war, but the war that controls the mind, » wrote Leon Trotsky about a war whose start one hundred years ago has been somewhat timidly commemorated this summer.

The unhappy residents of Luhansk and Donetsk are now at the forefront of the collision with war’s destructive power. Their testimonies on social networks—meager exchanges of information about the people who have been killed, photographs of the damage done by shelling, requests for help and offers of aid—are the voices of victims, the voices of people who have already lost. They do not divide each other into supporters of Novorossiya and a united Ukraine, and they are not holding out for « their » side to win. All they want is peace: no matter what government offers it and on whatever terms. Along with houses, infrastructure, schools, and hospitals, society has almost been razed to the ground in Eastern Ukraine. This means that a victor capable of bringing stability even amid the smoking ruins will be rewarded with the kind of docility and obedience of which no government could dream during peacetime.

The shockwaves of this barbaric destruction have overwhelmed the population on both sides of the border. It is already a commonplace to argue that domestic politics in Russia seemingly disappeared in March of this year. What is more, invoking philosopher Jacques Rancière’s definition, we could argue that politics as a form of human activity based on dissent has rapidly disappeared, while state policy as the art of managing communities has attained perfection. Anything that deviates even a millimeter to the right or left of President Putin’s line is immediately devalued and deprived of any independent significance. People who try to applaud the government more loudly than everyone else are rendered as politically invisible and helpless as those who oppose it. As they support their government, patriots are instantly turned into its obedient tools. Liberals who criticize their government serve wittingly or unwittingly as advocates of the other side.

The logic of war inevitably leads to identification between the government and the people, to their complete fusion with each other and the ruthless destruction of all hints of dissent. Contrary to popular belief, this identity is based not only on a chauvinism that quickly impregnates collective consciousness. The wartime « national unity » we are now headed toward derives its strength from the fear of instability, the expectation of protection from above, and the sense that subjects and rulers are ultimately in the same boat. It is hard to imagine the incredible freedom of action the state acquires with respect to citizens in this case. This victory of the ruling elite over their own society outweighs, at least in the short term, the losses from sanctions and the shame of international isolation.

Today it is impossible to predict how long this state of affairs will last. At any rate, previous successful episodes of « wartime unity » were often able to keep the majority in absolute subjection for years.

So why do we need an antiwar movement today? We should honestly point out that grassroots antiwar movements, no matter how massive, have hardly ever succeeded in preventing or stopping wars. After the outbreak of World War I, it took three more years of enormous death and destruction until supporters of « peace without annexations and indemnities » were able to turn from a marginal minority in their own countries into a force capable of changing the course of events. The textbook antiwar movement—against US involvement in Vietnam—tried for nearly a decade to influence Western public opinion before forcing a new president, faced with serious military losses, to begin withdrawing troops. Finally, the largest antiwar demonstration in London’s history—the protest against the invasion of Iraq on February 15, 2003, attended by over a million people—was simply ignored by the Blair government.

But even when they are obviously going against the tide, antiwar movements have one incredibly important function—telling the truth. State propaganda, which in recent months has demonstrated its colossal capabilities, lies not merely for the sake of lying. In a state of « wartime unity, » the lie is a direct continuation of hostilities and a key tool for shoring up the home front. Faith in the lie and complicity in spreading it are made civic virtues, a matter of « public interest » for which every citizen feels responsible. In recent months, many of us have discovered that we can get at the truth only by comparing the wartime lies coming from both sides in the conflict. Though largely uncontested nowadays, this method is fraught with great danger. At some point, one of the parties comes to seem more convincing.

If it really wants to bring dissent back to society, an antiwar movement should always adhere to a third position. The victims, the losers, and the frightened, everyone who has been deprived of their own voice by « wartime unity, » must find this voice in the antiwar movement. A movement like this must not decide which of the parties is more culpable or less culpable; it must not put itself in the shoes of those who would never put themselves in our own shoes. That is why, in the current circumstances, an antiwar movement in Russia that opposes its government can be completely honest and effective if it works in concert with a counterpart movement in Ukraine. In both Moscow and Kyiv, we must again call into question the state’s monopoly on representing the « nation. »

Barely audible and almost invisible, this third position can easily get lost amidst the humanitarian sentiment displayed by both voluntary and involuntary advocates of the lie of « public interest. » If, in the first case, Russia’s direct involvement disappears from analyses of the situation in the Donbas and what is happening is described solely as a civil war in which an oligarchical Kyiv government is fighting against its own people, while in the second case, on the contrary, everything boils down to a clandestine Russian intervention and all elements of the internal conflict are consistently ignored, we are dealing with yet another « ruse of war. »

Telling the truth means not only exposing propaganda but also pointing out the reasons behind the military conflict: the struggle over defense budgets, the redistribution of markets and property, the desire to establish total control over the rank and file in the interests of the elites. Exactly one hundred years ago, this message, which seemed radical, utopian, and naive, was eventually able to change the world. This fact seems capable of inspiring hope in our hopeless situation. »
This text is translated from the Russian by Thomas Campbell. Originally published at www.colta.ru, July 29, 2014.
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