Picabia

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Trouvé dans cette page web du site dédié à Picabia —fait par le Comité Picabia, 26 rue Danielle Casanova – 75002 Paris
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l’explication de Voilà la fille née sans mère, aquarelle, gouache argentée, encre de Chine, mine graphite sur carton, 75 x 50 cm, vue dans l’exposition au centre Pompidou, Marcel Duchamp, la peinture même, (+ http://slash-paris.com/evenements/marcel-duchamp-la-peinture-meme) :
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«Alors, la machine infernale explose : 1914, la Première Guerre Mondiale. Grâce à des relations de sa famille, Picabia militaire part en mission à Cuba en Mai 1915, mission qu’il abandonne lors d’une escale à New York. Il reprend contact avec ses amis de la Galerie 291, Stieglitz et Marius de Zayas, avec Marcel Duchamp et avec le salon de Walter Arensberg, grand ami des arts. Dans un article du New York Tribune d’octobre 1915, intitulé “Les artistes francais stimulent l’art américain”, Picabia écrit :

« La machine est devenue plus qu’un simple instrument de la vie humaine. Elle est réellement une part de la vie humaine. Je me suis approprié de la mécanique du monde moderne et je l’ai introduite dans mon atelier… » Plus loin il affirme vouloir travailler jusqu’à ce qu’il atteigne “le sommet du symbolisme mécanique”. Dans la revue 291 (issue de la Galerie 291), il publie une série de “portraits-objets” comme celle d’Alfred Stieglitz représenté en appareil photographique, le portrait d’une Jeune fille américaine vu comme une bougie de moteur (l’allumeuse) et le dessin Fille née sans mère (quintessence de la machine, créée par l’homme à son image).:

et aussi in
https://www.centrepompidou.fr/cpv/resource/crbjez/rgz6Xn6 >Extrait du catalogue Collection art graphique – La collection du Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, sous la direction de Agnès de la Beaumelle, Paris, Centre Pompidou, 2008.
Texte d’Arnauld Pierre:
«« Il n’est pas donné à tout le monde d’aller à Barcelone », dit une des locutions qui parcourt le Portrait de Marie Laurencin, [figure aussi dans l’expo Duchamp], sous l’aspect d’une chaîne de transmission animant les rouages d’une hélice. Barcelone est alors l’un des lieux d’exil des artistes et intellectuels réfractaires à la guerre et à l’engagement patriotique, dont profitent Marie Laurencin et son mari allemand (d’où l’inscription «à l’ombre d’un boche»), mais aussi Albert Gleizes et son épouse Juliette Roche. Picabia s’y réfugie, entre deux séjours new-yorkais, de l’été 1916 au début de l’année suivante. Il y fait paraître les premiers numéros de la revue 391, organe d’un dadaïsme dont il ignore encore le nom bien qu’il en pratique l’esprit.
En guise de portrait de la séduisante amie de Guillaume Apollinaire, une hélice de refroidissement d’automobile (copiée d’un manuel de mécanique paru en 1915) : Picabia a déjà réalisé, à New York en 1915, des portraits de ses proches en « équivalent-machine (Alfred Stielglitz en appareil photographique, Marius De Zayas sous la forme d’un circuit électrique d’automobile, Paul Haviland étant une lampe de voyage et Agnes Ernst-Meyer une bougie de moteur) ; puis, à Barcelone encore, Juliette Gleizes en manomètre ; lui-même ne s’est pas oublié, en se représentant sous les traits d’un schéma de klaxon. Ces encres précises ou ces aquarelles légères se veulent effectivement sans profondeur ni intériorité, froides comme des schémas scientifiques : Picabia dénie la dimension subjective du genre du portrait en organisant la substitution du psychologique par le mécanique. Le « symbolisme de la machine », auquel il dit s’être converti, est une version désenchantée du « symbolisme psychologique »de l’orphisme. Il ne donne plus accès qu’à l’âme moderne et à ses mouvements réifiés, sclérosés en mécanique répétitive ; l’érotisme lui-même – celui qui pourrait être attaché à l’évocation de la figure féminine, d’une séduction aussi « ventilée » ou volage que celle de Marie Laurencin – n’est plus qu’affaire de rouage et de moteur.
C’est également à New York que Picabia forge le mythe de la « fille née sans mère », la machine, ainsi définie dans un texte contemporain de Paul Haviland paru dans 291 : « L’homme a fait la machine à son image. […] La machine est sa “fille née sans mère”. C’est pourquoi il l’aime. Il l’a faite supérieure à lui-même. C’est pourquoi il l’admire. […] Après avoir fait la machine à son image, son idéal humain est devenu machinomorphique. » La « fille née sans mère » s’insère ainsi dans la lignée de l’ancien mythe romantique de l’engendrement sans organe, où l’on croise l’« Ève future » de Villiers de l’Isle-Adam et d’autres images littéraires ou visuelles, nourries du parallèle entre la physiologie humaine et les organes de la machine – à l’instar de la Broyeuse de chocolatde Marcel Duchamp (1914), qui semble préfigurer la structure mécanique de Voilà la fille née sans mère. Chez Picabia comme chez Duchamp, ces figurations mécanomorphiques sont la plupart du temps sexualisées, et déportent la psychologie amoureuse du côté d’un désabusement cynique et anti-sentimental dont Guillaume Apollinaire, en une claire allusion aux machines de Picabia, fera l’un des traits caractéristiques de ce qu’il nomme l’esprit nouveau : « Des machines, filles de l’homme et qui n’ont pas de mère, vivent une vie dont les sentiments et les passions sont absents. »
En novembre 1922, Picabia expose à la galerie Dalmau de Barcelone une série paradoxale de plus de quarante aquarelles, mêlant sur les murs, par dérision à l’égard de tout système formel, certaines œuvres clairement figuratives (des portraits kitsch d’Espagnoles) à d’autres (les plus nombreuses) qui sont presque abstraites ou géométriques, à effets optiques et encore mécanomorphiques, telle que Pompe. Comme toutes celles-ci, la grande aquarelle offre le schéma, simplifié à l’extrême, d’un moteur de pompe pneumatique « copillé » d’une reproduction photographique tirée du magazine populaire La Science et la Vie. Surfaces sèchement délimitées et remplies en aplats lisses, formes tracées au compas et à la règle définissent un langage visuel fait de précision et d’indifférente neutralité. En l’adoptant, Picabia montre qu’il ne s’agit pas seulement, pour le peintre revenu des mythes de l’art comme épanchement de la subjectivité créatrice, de peindre des machines, mais aussi, en faisant des images avec d’autres images, de peindre comme une machine
Références bibliographiques :
Francis Picabia. Collections du Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, D. Ottinger (dir.), Paris, Centre Pompidou, 2003.
Francis Picabia. Galerie Dalmau. 1922, cat. exp., Paris, Centre Pompidou, 1996.
A. Pierre, Francis Picabia. La peinture sans aura, Paris, Gallimard, 2002.