Louis A. Sass. Folisophies

Louis A. Sass, Les paradoxes du délire, traduit de l’anglais par Pierre-Henri Castel, Ithaque.


Article de Robert Maggiori, Libération, jeudi 3 février 2011. Extrait: (lecture remontante du texte)

«La thèse: « L’expérience de bien des patients schizophrènes implique non pas un débordement, mais un détachement à l’égard des formes normales de l’émotion et du désir; non pas une perte, mais une exacerbation des formes diverses d’attention consciente à soi-même. » Voici qui ne va pas de soi, et qui, pour le moins, devrait « inspirer de nouvelles questions », sinon « ouvrir de nouvelles pistes de réflexion sur la maladie mentale »—dont Louis A. Sass dit qu’elle serait « le point d’aboutissement de la trajectoire que suit la conscience quand elle s’isole du corps, des passions, ainsi que du monde pratique et social, et qu’elle se retourne sur elle-même: c’est ce qu’on pourrait appeler l’esprit célébrant perversement sa propre apothéose ».»

«Sass introduit [dans son analyse, s’appuyant sur le livre de Daniel Paul Schreber, Mémoires d’un névropathe, où ont puisé autant Freud que Lacan] Wittgenstein [pour qui] le solipsisme est la maladie qui atteint la philosophie, (telle la mouche prise au piège de la bouteille), lorsqu’elle tombe dans l’illusion d’une conscience souveraine, lorsqu’elle s’enivre d’abstraction pure, se rend aveugle au sens commun, ou se désengage de toute activité pratique et  sociale.»

Ce qui peut nous faire réfléchir sur la haine de Deleuze (le créateur de concepts) à l’encontre de Wittgenstein, adepte du langage ordinaire. Je préfère la folie Wittgenstein.

Plus haut ce rapport troublant entre folie et philosophie est explicité à propos de la doctrine philosophique du solipsisme:

« Shreber, écrit Sass, « ne vivait généralement pas ses délires comme littéralement vrais, mais ayant plutôt une certaine qualité ‘objective’ —autrement dit, ils étaient en un sens le produit de sa propre conscience, et ils n’avaient pas le bénéfice d’une existence indépendante et objective (ce que laisse croire la formule du déficit de l’épreuve de réalité) ». Ce mode d’expérience rappelle « de façon frappante la doctrine philosophique du solipsisme, selon laquelle la réalité dans son entier, y compris le monde extérieur et autrui, n’est rien qu’une représentation qui apparaît à un Soi individuel et unique.»

On n’est pas loin non plus, en art,  de la «manière de faire des mondes» de Nelson Goodman.
En conclusion, revenons à Wittgenstein, Rousseau et au Goethe du Traité des couleurs (voir ci-dessous) et à Robert Maggiori ou Mathieu Lindon, deux journalistes qui justifient encore l’achat de Libération.