ÔE Kenzaburô alias Kogito Chôkô : penser ChôkôCkôkô / Choko ?
ÔE Kenzaburô, Adieu, mon livre!
4e de couverture
«Tout comme les yeux de celui qui doit mourir, les yeux qui ont créé doivent aussi se fermer (T.S. Eliot). Retiré dans sa résidence [sa Maison-des-Bois], un romancier vieillissant Chôkô Kogito, [dont la vie ressemble beaucoup à celle de Ôe Kenzaburô] affronte avec un ami d’enfance Tsubaki Shigeru, architecte et homme d’action, sa propre disparition face à la destruction possible d’un monde auquel il appartient. Chôkô Kogito entreprend ainsi l’écriture d’un nouveau roman « à l’intérieur même de sa vie ». Dans cette maison propice à l’échange de vues et à la méditation, le romancier et ses invités parlent des ans qui s’accumulent, commentent ces compagnons de vie que sont Mishima et le poète T.S. Eliot, convoquent Céline, Beckett et Dostoïevski dans des digressions au cours desquelles s’échafaudent des théories romanesques aussi bien que politiques. « Je veux seulement tenter de réfléchir à la façon dont, en tant qu’écrivain, il m’est possible de vivre la fin de ma longue vie alors que je me trouve confronté à une grande catastrophe » (entretien avec Philippe Forest, La nrf-Du Japon). Ainsi s’écrit devant nous un roman surgi de l’inquiétude, de la possibilité de vivre poétiquement dans cette «Terre vaine» que prophétise le poète, sans cesse menacée, et dont la catastrophe de Fukushima est, pour l’écrivain, un signe [et l’attentat des tours de 2011, un objet de fixation pour l’engagement politique terroriste de l’architecte]. Kogito et Shigeru figurent les deux faces d’une même identité, l’intellectuel dans la cité, formant un pseudo-couple, notion empruntée à Beckett et Céline. «Le livre « se referme » (page 454) dans la chambre de Kogito Chôkô qui déclare à Shigeru, qu’il occupe ses journées dans un collationnement continu d’indices du désastre annoncé, des catastrophes à venir: une collecte continue de textes et d’images «trouvées», consignée avec un logiciel ordinaire de traitement de texte/image sur son clavier d’ordinateur et formant un ensemble qu’il nomme Chôkô (étrange homonyme de l’objet formant collection: le (digital) Soba Choko de Jean-Louis Boissier.
Extraits de texte (de la page 454 à la page 476 page de fin du livre sur une très belle citation de T.S. Eliot * (qui ouvre déjà le livre, page 10, première partie dont le titre est JE VEUX PLUTÔT ENTENDRE PARLER DE LA FOLIE DES VIEILLARDS)
page 454. «Tout ce que je produis avec mon traitement de texte, je le mets dans des caisses que je dispose sur les rayons de la bibliothèque. Le mari d’Asa, qui était directeur de collège, me fabrique des caisses en bois à intervalles réguliers.
— Et quel en est le contenu ?
— J’appelle l’ensemble Chôkô !
— Chôkô? Tu écris ton autobiographie ?
— Mon autobiographie?… Ah, bon! tu dis ça parce que pendant de longues années j’ai écrit en parlant continuellement de moi, n’est-ce pas ?… Mais maintenant, je me suis complètement débarrassé de la corvée de devoir parler de moi et ça ne m’intéresse plus du tout. Non, c’est une forme d’écriture que j’ai trouvée plus tard.
— Entendant ce chôkô, ton nom est la seule chose qui me soit venue à l’esprit! Il est vrai que, depuis l’incident, j’ai encore bien davantage coupé les ponts avec la langue japonaise. En fait, même les courriels que j’échange avec Mâ’chan et Neio sont en anglais..
— Depuis que j’ai reçu le fax de Maki me transmettant le message qui annonçait que tu viendrais me voir à Shikoku au retour de ta conférence de Bangkok, je réfléchis à la façon dont je pourrais t’expliquer cela! Par chôkô, j’entends d’abord l’anglais sign, une expression, une marque… ou l’anglais indication, un indice, une évidence, ou encore quelque chose indiquant la présence d’une maladie, a symptom si l’on veut, un augure, un présage annonçant une situation indésirable, détestable… ou encore une allusion à peine perceptible… ou enfin l’annonce d’une situation anormale, d’un signe, au sens de l’anglais stigma…
(page 455) En ce moment, je ne lis plus de livres… Bon, il m’arrive de m’étendre sur mon lit et de regarder longuement avec mes jumelles de théâtre les titres alignés sur les rayons de la bibliothèque… Mais je ne lis que les journaux, plusieurs quotidiens japonais ainsi que le New York Times et Le Monde, et je les lis de la première à la dernière ligne.
Qu’est-ce que je cherche en procédant ainsi? Des chôkô, des signes! N’importe quoi qui corresponde à l’un des termes anglais que je t’ai énumérés: des signes, des indications, des indices, des évidences, des symptômes. Je cherche dans tous les articles, courts ou longs, des signes indiquant une situation anormale et je les note. C’est l’entreprise que je poursuis, et rien d’autre.
Que se passe-t-il dans ce monde où nous survivons encore? Tout d’abord au niveau de l’environnement, mais pas uniquement. Lorsque je faisais mes débuts d’écrivain, mes aînés me poussaient à écrire un roman total. C’est dans l’esprit de ce roman total que je recueille toutes sortes de choses, même les signes les plus infimes d’étrangeté, y compris dans la vie sociale, et que je les enregistre. Je note la date et le lieu, ainsi que le nom du témoin lorsqu’il est connu. Pas un seul jour ne passe sans que j’en trouve au moins deux ou trois !
Parfois, se produit un événement qui est ressenti comme crucial. Alors on assiste à une avalanche de commentaires énumérant les signes précurseurs et montrant le processus d’accumulation qui a mené à cette situation. Mais moi, ce que je fais, c’est de poursuivre la récolte de tous les infimes signes précurseurs avant que l’événement ne se produise. Au-delà, à l’horizon de leur amoncellement, se profile la voie qui va (page 456) vers le point de non-retour, la destruction complète, irréparable. Dans le cas du Japon des années 1920-1930, nous connaissons, toi et moi, de nombreux ouvrages qui retracent ce processus. Les signes annonciateurs que je décris veulent, à l’échelle mondiale, tracer à l’avance cette trajectoire.
— Alors comme ça, en publiant ces textes, tu as l’intention de te tailler une réputation de prophète?
— ÇA MÈNERAIT À QUOI DE FAIRE UNE CHOSE PAREILLE, HEIN?! fit Kogito d’une voix courroucée.
Vertement remis à sa place par son ami, Shigeru n’ajouta rien. Une attitude qui surprit Kogito, qui entreprit de se justifier:
— Comme je te l’ai déjà dit, c’est trop volumineux pour être publié. Même en les sortant en fascicules, il faudrait chaque fois trouver un collaborateur qui établisse un index démesuré, car moi je n’ai pas le temps de le faire. Je passe mes journées à trouver mes signes, puis à les mettre par écrit, et rien que cela me prend tout mon temps…
— Alors pour toi, Kogî, est-ce que cela veut dire que ton projet… ton plan… n’est réalisable qu’à travers ce travail… qu’en menant une telle entreprise?
Cette façon hésitante de s’exprimer était, elle aussi, inhabituelle chez Shigeru. Kogito eut alors honte de son accès de colère devant la réaction toute naturelle que son histoire de signes avait provoquée chez son ami.
Cela lui rappela à nouveau un autre moment de honte intense, celui éprouvé soixante ans auparavant dans cette même vallée vers laquelle ils roulaient en ce moment, quand il avait, chose que les enfants du village ne faisaient jamais, frappé Shigeru à la tête avec un caillou.
(page 457) Kogito était depuis un bon moment incapable de parler à un Shigeru qui, découragé par sa rebuffade parfaitement injuste, s’était assagi jusque dans sa conduite.
— Ton histoire n’est pas encore terminée, remarqua tranquillement Shigeru, mais d’après la forme des montagnes, on va arriver dans la vallée. Pendant qu’il fait encore jour, j’aimerais aller me recueillir devant les tombes… et aussi de profiter de l’occasion pour aller voir mon «arbre personnel».
Quand on en aura fini avec ça, j’aimerais que tu me montres tes caisses de signes. Rien qu’avec ça, je crois que je pourrai me faire une bonne idée des dimensions que cela prendra.
4 Kogito marchait devant Shigeru sur le sentier bordé à l’est d’une profonde forêt de cyprès du Japon et à l’ouest, de bambouseraies enjambant la vallée.
Bloquant l’horizon, un vieux Castanopsis déployait ses branches. Deux sépultures se dressaient dans l’espace obscur à ses pieds. Elles étaient en pierre naturelle, pratiquement de la même forme, recouvertes de la même mousse, et seule la fraîcheur de l’inscription gravée sur l’une d’elles les distinguait. C’était la tombe de la mère de Kogito, qui, lorsqu’elle avait édifié celle de sa propre mère, avait fait aligner la sienne pour que la mousse recouvre les deux pierres de façon identique.
— Votre caveau familial est en haut d’une pente d’où l’on embrasse l’ensemble de la vallée. Et là au fond, il y avait un sapin qui était, avais-tu décidé lorsque tu étais enfant, ton «arbre personnel»
[…]
(page 463)
5 Six mois après être venu s’installer dans la Maison-des-Bois, Kogito avait, tout en poursuivant son travail sur les signes annonciateurs, réarrangé la pièce qui lui servait de chambre à coucher et de bibliothèque. Des étagères couraient en continu sur les parois nord et ouest. Les parties centrales et supérieures étaient remplies des livres rapportés de Tôkyô, mais le tiers inférieur était réservé aux caisses dans lesquelles il classait ses signes. Ces fichiers étaient conçus de façon que les fiches imprimées sur du papier épais, les plus récentes au premier rang, soient facilement consultables. Les rayonnages abritant les livres étaient pleins, mais sinon il y avait largement de la place pour ses fiches, même s’il en écrivait encore pendant cinq ans.
— La forme de base de tes signes, ça rappelle celle des notes journalières, non? Rien qu’à voir la production de cette année, on comprend que ça couvre de nombreux domaines. Comme tu l’as dit, ça sera toute une histoire d’établir un index.
(page 464) — Pour le moment, en vue d’un index, je classe mes fiches par tranches de dix jours, et je note uniquement les sujets traités sur les cartons de séparation, mais ça ne fait qu’augmenter! Enfin, bon, ce n’est pas la place qui manque pour entreposer mes boîtes… Mais il ne s’agit pas seulement de les stocker, il faut aussi penser à en faciliter l’accès au lecteur, et c’est pour cela que j’ai voulu des rayonnages peu élevés.
— Quoi! Tu t’attends à ce que des gens viennent directement ici pour les lire?
— Evidemment ! Sinon, à quoi bon écrire ?
— Alors, dans ce cas, je peux comprendre ce que tu es en train de faire!
Shigeru, ayant sorti le contenu d’une subdivision, l’étala sur un espace libre devant les étagères pour l’examiner, puis, reclassant les fiches saisies à l’ordinateur, les remit dans leur boîte.
— Il n’y a pas que du texte, hein? Il y a aussi des passages avec des photos, comme un manuscrit illustré…
Kogito enleva les lunettes de presbyte qu’il utilisait pour écrire et examina la feuille que lui montrait Shigeru.
— C’est un cliché qui a été pris par un photographe avec qui il m’était arrivé de travailler quand j’étais jeune; maintenant, il est free-lance et réalise des reportages dans le monde entier. Il m’a envoyé celui-ci pour me distraire dans ma vie de reclus… C’est un document très dur dont j’ai extrait ce signe.
Juste après la guerre, il y avait dans ce pays une masse de chômeurs. Alors, on en a envoyé comme émigrants en Amérique latine. Ça se passait quand nous avions à peine vingt ans. Cette photo montre l’état (page 465) actuel des terres qui avaient été attribuées aux émigrants en République dominicaine. Rien que des amas de cailloux, des blocs de pierre tellement gros que les gamins que nous étions n’auraient pu les jeter… Des terres épouvantables!
Et l’on dit que, lorsqu’ils se sont plaints que ces terres ne pouvaient être cultivées, le fonctionnaire du ministère des Affaires étrangères leur aurait répondu qu’après trois ans ces pierres deviendraient des engrais! … Les premiers signes que j’ai réunis sont des déclarations de ce genre!
Des hommes ainsi abandonnés par leur pays ne peuvent s’en remettre. Ils sont irrémédiablement brisés. Mais pis encore, dans les signes que je relève, il y a aussi le fait que le jeune fonctionnaire ayant commis une telle déclaration est lui aussi brisé sans espoir de récupération! Shige, si tu regardes les rubriques PAROLES D’ÊTRES BRISÉS ou PAROLES D’ÊTRES AYANT RENONCÉ À SE REDRESSER, tu seras certainement d’accord avec moi!
— C’est parce que tu as en toi ce côté humaniste que le professeur Musumi t’a inculqué; je suis sûr que tu as parlé à Takeshi et Take’chan de ce type d’homme que tu appelles l’«étudiant aide-batelier», non? Est-ce que les deux choses ne sont pas liées?
— La critique humaniste de l’homme ne s’adresse-t-elle pas à ceux qui ne sont pas encore irrémédiablement brisés, à ceux qui ont encore la volonté de se redresser? Mais ce que je fais en enregistrant tous ces signes ne se situe pas sur ce plan.
Ce sont les paroles que profèrent des gens qui ont franchi la barrière, qui ont basculé du côté où l’on ne songe plus à lutter. La déclaration que je t’ai citée remonte à plus de cinquante ans, mais aujourd’hui (page 466) encore rien n’a changé et l’on dit toujours des choses semblables!
— Mais toi, Kogi, tu prends personnellement tout ce qui se passe, de l’évolution de la société au dérèglement climatique, et tu en as fait des romans rédigés à la première personne, alors…
— Mais ce que je fais maintenant n’est pas un roman!… C’est encore plus personnel; tu vois, je note même des signes que je tire des lettres que m’envoie Neio! Quoique ces derniers, si quelqu’un avait envie de les lire, pourraient aussi être pris dans un sens positif.
Maintenant encore, Neio m’écrit pour parler de Takeshi et Take’chan. Si l’on pense à Take’chan, c’est un être irrémédiablement brisé, sans possibilité de retour. Il est en lui-même un signe. Pourtant, à travers les propos de Neio, un autre jeune, tout neuf, apparaît. Il a cependant en lui quelque chose qui fait qu’on ne peut éviter de penser qu’il devait finir détruit de cette manière!
— Oui, d’ailleurs Neio m’écrit à moi aussi en se mettant à la place de Takeshi et Take’chan. Elle est le médium de Takeshi, réfugié dans la clandestinité, et du défunt Take’chan. On a presque envie de dire qu’elle incarne les paroles sacrées du kotodama (esprit/âme/pouvoir/magie… des mots, du langage); croyance ancienne dans le pouvoir des mots, des noms, et dans l’efficacité que leur prononciation rituelle peut avoir). […]
(page 468) Pour la première fois, Kogito eut envie de dévoiler le fond de son cœur à Shigeru :
— Les rayons des signes sont établis à une hauteur qui permette à n’importe quel enfant de treize ou (page 469) quatorze ans d’ouvrir les fichiers qui y sont disposés et d’en lire le contenu. Car ce sont eux justement les lecteurs que j’attends! Et la façon dont j’ai rédigé ces signes est conçue pour les interpeller, pour leur donner l’idée d’aller à l’encontre de toutes les annonces de destruction enregistrées dans mes signes.
Asa a dit que, même quand je ne serai plus là, elle laissera la porte ouverte pendant la journée, de façon que les enfants qui grandissent dans ces forêts puissent venir dans la Maison-des-Bois… Dans ma famille, les hommes ne vivent pas vieux, mais ma mère et ma grand-mère, elles, sont devenues centenaires, alors Asa pourra certainement remplir cette tâche encore longtemps… Je pense à des enfants qui, ayant feuilleté ces signes, se mettent à lire ceux qui leur semblent intéressants. J’entends par là que ce sont mes futurs lecteurs.
Dans ce cas, ne peut-on pas envisager que l’un de ces enfants se dresse de toutes ses forces contre tous les signes qu’il a lus et qu’il écrive un livre relatant ce qu’il aura continué de penser et de vivre? Alors ce garçon se décide à écrire. Il consacre d’abord sa vie à maîtriser l’art de le faire, puis il se met à écrire, voilà, c’est ça! Et alors, pourquoi ce livre n’obtiendrait-il pas des résultats concrets?
Quoique je poursuive quotidiennement ma rédaction des signes… et sur ce plan, je te ressemble quelque part… cela ne veut pas dire que je ne pense pas à un grand renversement!
— Si tu étais maintenant l’enfant que j’ai connu quand je suis arrivé de Shanghai dans ces forêts, alors, quoique enfant, tu lirais tous ces signes et, jusqu’à l’âge que tu as aujourd’hui, tu sortirais des ouvrages s’y opposant. Pour peu que tu aies dès le départ reçu une (page 470) éducation clairement orientée dans ce sens… Car tu faisais partie de ceux qui, une fois qu’ils ont commencé quelque chose, vont jusqu’au bout!
— Bien sûr, ce que je viens de te dire n’est qu’un rêve creux et bientôt j’entendrai, enseveli sous une montagne de signes, l’immense vacarme. Mais jusque-là, je poursuivrai ma tâche! Je n’ai d’ailleurs rien de mieux à faire…
[…]
(page 472) Kogi, tu es maintenant en train de rassembler les signes laissés par des gens définitivement brisés, des gens qui ont franchi le pas vers la zone de non-retour. Mais tu ne le fais pas pour être reconnu comme un prophète quand le monde sera anéanti. Car justement: «Ça mènerait à quoi de faire une chose pareille, hein ?! »
(page 473) Kogi, dans ces témoignages, tu cherches à trouver quelques indices pointant vers un renversement. Ton travail peut donner l’impression d’être inutile, mais tu le fais en espérant que, même si tu ne peux toi-même les discerner, la génération future qui lira tes documents saura, elle, comprendre ces signes!
Et dans ce cas, Kogi, ne compte pas sur ce que les lecteurs feront de tes signes une fois devenus vieux! Non, tu dois les encourager à se mettre à écrire pendant qu’ils sont encore jeunes, à commencer à agir pendant qu’ils sont encore jeunes! Le temps presse, à mon avis, il ne reste que quelques années, mais moi, je n’ai pas ta patience!
— Et toi, Shige, qu’en est-il de ton propre travail? demanda Kogito, se sentant, pour être franc, quelque peu dépité.
— Moi, tu sais, ça fait déjà longtemps que j’ai commencé! Et d’ici peu, je vais enfin arrêter de me cacher et, à Tôkyô ou San Diego, je pourrai regarder avec Takeshi qui sera apparu à mes côtés le grand écran de mon ordinateur. L’écran affichera une carte du monde aux contours tracés en fines lignes et sur laquelle s’allumeront un peu partout des petits points rouges! Ce sera l’annonce que, dans tous les coins, des gens ayant compris ma théorie du Build/Unbuild seront en train de mener des opérations de Unbuild, même si chacune d’entre elles est probablement à échelle réduite !
— Oui, pour autant que les forces massives de destruction… qu’il s’agisse de celles d’une seule puissance ou d’une alliance de plusieurs pays… n’aient pas déjà effacé les fins contours qui apparaissent sur ta carte du monde! lui renvoya Kogito. Car dans ce cas, je crois (page 474) que vous aurez du mal, Takeshi et toi, à trouver un lieu assez stable pour y placer votre ordinateur.
[…]
(page 476) — Encore une chose pendant que j’utilise ton traitement de texte. C’est une citation que j’ai préparée pour conclure la dernière fiche de tes signes quand la mort t’emportera.
Une créature comme toi, qui as passé ta vie à écrire des romans, est pourtant censée un jour ou l’autre donner une fin à son œuvre! Mais, au cas où tu entendrais l’immense vacarme avant d’avoir pu le faire, j’ai l’intention d’ajouter ces adieux sur la dernière page proprement tirée sur un épais papier.
Kogi! […] ce sont trois vers qui figurent entre ces deux passages que j’ai retenus. Le nous qui y apparaît renvoie à notre pseudo-couple.
* Les vieillards doivent être des explorateurs
Ici-et-là n’importe pas
Il nous faut toujours nous mouvoir
Au sein d’une autre intensité.
[On trouve aussi tout au long du livre, le vieillard qui reste Le jeune homme aux étranges côtés.]