décembre 2015

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Présentation du film : CET 1972
Titre : Jeunes filles élèves du collège d’enseignement technique de Vaux-le-Pénil, février 1972.
Réalisation : Liliane Terrier et Jean-Louis Boissier
En relation avec le cours des départements Cinéma et Arts-Plastiques de Paris 8-Vincennes : « Mouvement de la jeunesse »
Film tourné avec cinq élèves du Collège d’enseignement technique de Vaux-le-Pénil et leur professeur de français Liliane Terrier, février 1972. Extraits (5 mn 18 s) choisis sur 30 minutes de rushes. Éclair-Coutant 16 mm, son synchrone sur Nagra. Production : Université de Vincennes. Numérisation : CNC, BnF, octobre 2015. Première projection publique : Vidéo et après, Centre Pompidou, 16 novembre 2015.

« Les jeunes filles du cet de Vaux-le-Pénil

Consonance un peu grivoise de ce nom de village péri-urbain proche de Melun. En 1972, j’ai 26 ans, je suis à Vincennes recyclée étudiante en arts plastiques après une licence de lettres obtenue à Grenoble, grâce à laquelle je suis prof précaire de français dans le collège d’enseignement technique de Vaux le Penil. Les jeunes filles expliquent dans le film ce qu’elles y apprennent. J’habite à Paris, je vais à Melun en train par la Gare de Lyon, puis un car m’emmène jusqu’au collège. En traversant Melun en car, je garde le souvenir d’avoir vu des prisonniers sur le toit de la prison. C’est l’époque des révoltes des prisonniers de droit commun soutenues par Foucault, Defert, Deleuze. Ou l’ai-je rêvé? L’idée de filmer les jeunes filles est liée à ça, elles sont elles-mêmes incarcérées dans ce CET. La figure du bosquet où nous choisissons de les filmer, dans le parc de Melun, -réminiscence rousseauiste de la Nouvelle Héloïse (une rencontre amoureuse avec un témoin, dans un bosquet, qui fait événement http://circonstances.net/moments/?p=126) ou de ces groupes de figurines bosquettisées, en porcelaine de Derby * (18e siècle)-, est le lieu d’une échappatoire dans une pseudo nature à leur condition de prisonnières, comme le toit de la prison de Melun, devenu terrasse à l’air libre où se rassemblaient les prisonniers. On pourrait aussi évoquer le peuple reforestisé de Straub et Huillet, ou les paysans dans les marais de Paesa de Rossellini.
Bosquettisées veut aussi dire chez Rousseau, inscrites dans notre mémoire, ici par le film, car pour ma part, je les avais complètement oubliées, ces jeunes filles, jeunes travailleuses en formation. Il faut souligner la qualité de l’image cinématographique, – celle d’une estampe gravée en taille douce et eau-forte dix huitièmiste, technique particulièrement apte au rendu minutieux du feuillage et des corps** -, cadrés dans notre film en plan américain.
Ce groupe dialogue avec la caméra fixe – le témoin – (sauf de très légers zooms) et se reconfigure devant elle, continuellement, dans le cadre, dans une micro-gestuelle articulée sur de micro-propos calibrés, chacune des jeunes filles ayant pleine conscience du temps de la bobine filmique lancée par le clap, (dont elle s’emparent très vite) – dédiée chacune à une question très brève (trois quatre mots lancés par moi, de derrière la caméra, à la volée, vers le groupe) mais qui appelait pour chacune, un lot de réponses individuelles individuées, brèves, contenues dans un seul plan séquence et ça a marché pour les trois questions. Un exercice d’intelligence collective humaine grâce à la caméra, pour faire l’histoire du 20e siècle. »

* Derby -soft-paste-english-porcelain
« By 1750, the Derby China Works had been established by china-maker Andrew Planché (1728-1805), a Huguenot and apprentice goldsmith. In 1756, William Duesbury (1725-86), an enamel-painter, and John Heath, Planché’s financier, formed a partnership and the factory expanded. In 1770, William Duesbury & Co. purchased the Chelsea Porcelain factory, operating Derby and Chelsea jointly until 1784 when they closed Chelsea. This acquisition brought into the fold the knowledge and skills of the Chelsea works. In 1774, a showroom was opened in Covent Garden, London. In 1776, they purchased the Bow factory. William junior (1763-96) succeeded his father in 1786 and enlarged the factory. Subsequent owners could not keep up with the times and the factory folded in 1848. »

http://www.porcelainbiz.com/porcelain/derbygraces1.htm

** Estampe de Moreau le Jeune reprenant la scène du bosquet de La Nouvelle Heloïse.

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Autre bosquet funeste et actuel, celui-ci qualifié de « Buisson conspiratif »

«C’est à Aubervilliers, dans une zone industrielle indécise en contrebas de l’A86, qu’ils [Abdelhamid Abaaoud et son complice] éliront domicile sur un talus pour les quatre prochaines nuits [du 13, 14, 15, 16 novembre 2015]. Les policiers chargés d’inspecter quelques jours plus tard ce « buisson conspiratif » en dresseront la description suivante : à l’entrée du bosquet, un passage dans la végétation large de 80 centimètres et long de 3 mètres. La pente est raide, les fonctionnaires doivent « s’agripper aux branches » pour progresser jusqu’au plateau. « A notre droite, découvrons un petit espace dans la végétation protégé par les branches et les feuillages. Nous pouvons ainsi le décrire comme un igloo végétal de par sa forme et sa conception », écrit le brigadier de la « Crim’ » dans son rapport. Dans ce premier espace d’environ 3 mètres carrés, les policiers découvrent un emballage de Bounty, une canette d’Oasis, une bouteille d’eau et « une pile 9 volts entourée d’adhésif gris avec un fil électrique dépassant à la base ». Un deuxième abri, sur la gauche, semble servir de chambre : il contient un matelas en mousse et « un semblant de tête de lit résultant d’un bricolage ». Tandis qu’Abdelhamid Abaaoud et son complice s’apprêtent à passer la nuit [du 13 au 14 novembre] au milieu des feuillages dans la banlieue nord, Salah Abdeslam attend son exfiltration au sud de Paris.» [puis viendra l’épisode de Saint-Denis 17 novembre]. Aujourd’hui, ces jeunes filles auraient pu mal tourner très vite.