Global Canopy. Le petit livre de l’investissement pour la nature

« Modifier nos modes de consommation et de production implique un changement d’échelle »

Le directeur de l’Agence française de développement juge urgent de réformer les investissements

ENTRETIEN

Quels financements sont aujourd’hui dévolus à la nature et quels investissements sont nécessaires ? Par quels moyens est-il possible de mobiliser ces ressources ? C’est pour répondre à ces questions que l’ONG internationale Global Canopy publie lundi 11 janvier, à l’occasion du One Planet Summit, LePetit Livre de l’investissement pour la nature, en collaboration avec l’Agence française de développement (AFD). Pour le directeur général de cette dernière, Rémy Rioux, il est urgent de réformer les subventions néfastes.

Que peut apporter ce guide ?

La question des financements sera un enjeu crucial de la conférence mondiale sur la biodiversité (COP15). Pour que l’on obtienne le meilleur accord possible en Chine fin 2021, il faut qu’il y ait de l’ambition et de l’innovation du côté des instruments financiers. C’est un élément-clé pour rendre les discussions concrètes et donner confiance aux différentes parties. Ce guide permet d’apporter de la clarté sur les enjeux et de tracer le chemin à parcourir.

A combien évalue-t-on les besoins de financements ?

De façon schématique, nous avons besoin de 1 000 milliards de dollars [819 milliards d’euros] par an d’ici à 2030 pour protéger un tiers de la planète et mettre en place un système de production et de consommation qui préserve la nature. Or nous avons aujourd’hui environ 150 milliards par an, soit 15 % de ce qui est nécessaire. Il faut faire des progrès significatifs. Avec deux problèmes majeurs à régler : 80 % des financements actuels sont publics ; et l’essentiel de ces flux concerne les seuls pays de l’OCDE. Il faut les réorienter vers le Sud, où se trouvent les plus grandes richesses biologiques.

LePetit Livre propose une palette d’options pour parvenir à résorber le déficit. Quelles sont les plus importantes ?

D’abord réorienter les subventions néfastes. Aujourd’hui, pour un euro dépensé pour préserver la biodiversité, on en dépense cinq ou six dans des mécanismes publics destructeurs de la nature. Ce mouvement simple, sans surcoût, permettrait de doubler le financement public de la biodiversité.

L’autre grand sujet, c’est de transformer les investissements privés pour les rendre plus protecteurs. Les banques publiques de développement doivent jouer ici pleinement leur rôle et créer un effet d’entraînement. Nous avons lancé une coalition rassemblant les 450 banques publiques de développement au monde pour plus d’investissements de qualité et pour inciter le secteur privé à suivre.

Quel rôle peut avoir la finance dans la transformation en profondeur de nos systèmes de production et de consommation ?

Jusqu’à une date très récente, la biodiversité, c’était la conservation et les aires protégées. C’est indispensable, mais on ne réussira pas à protéger la planète uniquement avec cet instrument. Dès que l’on parle de modifier nos modes de consommation et de production, cela implique de nouvelles alliances et un changement d’échelle.

La question de la métrique, de la redevabilité, de ce qu’est la finance biodiversité devient alors centrale. La « task force on nature-related financial disclosures » [un groupe de travail sur la publication d’informations financières relatives à la nature dont le lancement devait être annoncé lors du One Planet Summit], que l’AFD appuie, est très importante pour mettre en place des règles de suivi. Nous avons besoin d’un cadre commun.

En quoi la convergence climat-biodiversité est-elle importante ?

Il faut s’appuyer sur la force politique qui existe autour des questions climatiques et faire progresser la finance [liée à la protection de la] biodiversité à mesure que la finance [liée celle du]climat augmente. D’ici à 2025, 30 % des financements climat de l’AFD auront un bilan directement positif pour la nature. Si la Banque mondiale, la China Development Bank ou la BNDES brésilienne rejoignent ce mouvement, cela peut faire une réelle différence. Un signal financier positif donne confiance dans la possibilité de la transition.