Il est capital que soient maintenant repris, approfondis et je dirai « popularisés », de grands thèmes cruciaux dont le trop faible impact jusqu’à ce jour rend compte du fait que le mouvement désaliéniste est resté occulté, sans aucun doute sous la responsabilité de pressions idéologiques au regard desquelles il représentait une insoutenable subversion.
Au cœur de cet ensemble de questions cruciales, tu trouveras :
L’éloge de la folie, la reconnaissance de la fertilité du pathologique, la dénonciation des conduites de contrainte normalisante, la recherche de conduites respectueuses du cours de la maladie comme aventure humaine hautement compréhensible.
La reconnaissance de la dimension poétique de la connaissance comme fondamentale pour la compréhension de la parole et du vécu de cet autre qui souffre d’un mal de la communication et pour la restauration du dialogue avec lui.
La mise en garde contre la nocivité des modèles médicaux traditionnels dans l’abord et le traitement de l’« inadaptation » et de la « folie ».
La reconnaissance du droit de cité au « discours profane », du droit de quiconque à parler de la folie à sa manière, à coté ou en face du « monde clérical » qui prétendait conserver le monopole de ce droit.
La libre recherche du rôle des facteurs socio-culturels, en définitive politiques, sur les avatars malheureux des aventures de la raison, et tout particulièrement la reconnaissance du fait que si le psychiatre est en position de percevoir des effets de crise dans l’ordre social, ces effets lui sont donnés principalement à travers les signes critiques observés dans l’ordre familial.
Lettre à un jeune psychiatre, paru dans « La Nouvelle Critique » n° 53, (234), mai 1972. Lucien Bonnafé.