Barthes. Longtemps je me suis couché de bonne heure

Roland Barthes prononce en 1978 au Collège de France une conférence : « Longtemps je me suis couché de bonne heure », initialement intitulée « Proust et moi ». Extrait :

Décloisonnement, et c’est cette nouvelle logique que Proust découvre dans l’épisode de la madeleine, ou plutôt de la biscotte, tel qu’il est rapporté dans le Contre Sainte-Beuve, (c’est-à-dire avant la Recherche) :  » Je restai immobile […] quand soudain les cloisons ébranlées de ma mémoire cédèrent. » […] L’intérêt est capital: il est d’ouvrir les vannes du Temps: la chronologie ébranlée, des fragments, intellectuels ou narratifs, vont former une suite soustraite à la loi ancestrale du Récit ou du Raisonnement, et cette suite produira sans forcer la tierce forme, ni Essai, ni Roman. La structure de cette œuvre sera, à proprement parler, rhapsodique, c’est-à-dire (étymologiquement) cousue; c’est d’ailleurs une métaphore proustienne : l’œuvre se fait comme une robe; le texte rhapsodique implique un art original, comme l’est celui de la couturière : des pièces, des morceaux sont soumis à des croisements, des arrangements, des rappels : une robe n’est pas un patchwork, pas plus que ne l’est la Recherche. »