Liliane Terrier Installation « TOUTES LES COPIES » — cliquer sur l’image pour voir la vidéo*
de l’installation remontée et réactivée** dans l’exposition Matter. No Matter-Anti-matière. Expositions passées comme expériences numériques, 2022-2023 ZKM | Karlsruhe © ZKM I Centre d’art et de médias Karlsruhe.
L’exposition était à voir dans l’Atrium 1+2, 2ème étage de @Zkmkarlsruhe jusqu’au dimanche 23 avril 2023. https://zkm.de/en/exhibition/2022/12/matter-non-matter-anti-matter

* La Vidéo a été réalisée par Margit Rosen le soir du vernissage 2 décembre 2022 montée et mise en musique par elle, pour être publiée sur Instagram et sous-titrée : « The artist is present ». Marcella Lista a laissé un commentaire : « Liliane rocks ». Puis cette vidéo a été republiée sur Instagram par Livia Nolasco-Rozsas commentée : « …Representation is not everything but cheerful iconophilia (iconophilie joyeuse) is utterly essential. » Mon commentaire : « Goût de l’estampage et iconophilie. »

**Historique : « Dans le cadre du parcours « Matériau » de l’exposition Les Immatériaux (au Centre Georges Pompidou, 1985), un peu comme dans les sites « Inframince » 1 et « Surface introuvable » 2, « Toutes Les Copies » 3 explore le passage de l’objet à l’image en passant par la xérographie. La sélection et l’agencement des « matériaux-objets-images », également qualifiés de « copigéniques», leur placement sur la photocopieuse, le mouvement pendant le scan, le jeu des fonds et des reflets, l’éclairage et le réglage de la machine sont tous les processus tangibles qui sont présentés de la même manière que les photocopies et le dispositif lui-même. Ce  dernier est conçu comme un « Vivarium », un espace d’expérimentation où de multiples interactions entre corps, objets et technologie peuvent avoir lieu. Pour Liliane Terrier, la xérographie est une forme d’estampage électrographique qui s’apparente à un monotype dans l’estampe traditionnelle. Contrairement aux procédés de gravure, le modèle  électrographique est unique et spécifique à chaque transfert. Du fait du contact direct de l’objet avec la plaque photoélectriquement sensible et du transfert quasi immédiat sur le papier, cette technique a produit de nouveaux régimes d’image et est présente dans l’art depuis le début des années 1960. »

Ce texte-cartel de l’installation Toutes les Copies, paru sur instagram, associé ici à cette courte vidéo, dans sa version originale en anglais, présent dans la communication globale de l’exposition Matter. No Matter-Anti-matière. Expositions passées comme expériences numériques, 2022-2023, ZKM, a pour autrice Julie Champion Lagadec, attachée de conservation collection Nouveaux Médias, Mnam – Centre Pompidou : « In the context of the « material » path of the Les Immatériaux exhibition (@centrepompidou,1985), much like in the sites « Infra-mince » and Surface introuvable [Untraceable Surface], Toutes Les Copies explores the passage from object to image through the medium of xerography. The selection and arrangement of the « materials-objects-images », also referred to as « copigenetics », their placement on the copier, the movement during the time of scanning, the background and reflections, and the lighting and the adjustment of the machine are all tangible processes that are presented in the same way as the photocopies and the device itself. The latter is designed as a « vivarium », a space for experimentation where multiple interactions between bodies, objects and technology can take place. »

Les trois fiches recto verso princeps de l’installation Toutes les copies (catalogue Les Immatériaux  1985)

1 « Inframince »  (fiche du catalogue Immatériaux 1985)

2 « Surface introuvable » (fiche du catalogue Immatériaux 1985)

3 « Toutes Les Copies » (fiche du catalogue Immatériaux 1985)

Verso de la fiche « TOUTES LES COPIES » : Conception, animation : Liliane Terrier et les étudiant.e.s de l’atelier  » L’objet-matrice » Arts et technologies de l’image – département Arts Plastiques – Université Parie 8 : André Bénard, Denise Carel, Nanou Cauche, Christine Chabot, Christian Challier, Martine Delage, Brigitte Eymann, Françoise Fabian, Gaston Faihun, Fernando Gomez, Christian Laroche, Carole Lévêque, Hélène Munoz, Monique Petit, Catherine Savary, Viviane Soyer
Dispositif :  Jean-Louis Boissier

 

*** Les photos officielles de l’installation « TOUTES LES COPIES » dans son environnement, faites et publiées par le ©ZKM et dont certaines depuis ont remplacé la vidéo sur Instagram.




photos ©JLGGB

En exergue :
« The Arcades Project est un recueil de notes et de textes inachevés de Walter BENJAMIN, rédigés entre 1927 et 1940 et publiés à titre posthume; l’auteur y évoque les passages couverts parisiens et leurs enfilades de boutiques. C’est en flânant dans ces passages que Walter BENJAMIN a mûri un de ses concepts les plus célèbres, incarné par la figure du « chiffonnier », dont il compare l’activité à celle de l’historien, qui glane des fragments du passé et élabore un récit commun à partir de ceux-ci. Selon Walter BENJAMIN, la tâche de l’historien est moins la découverte de vérités absolues que l’assemblage de ruines afin de créer une mosaïque vivante. La figure du chiffonnier est le trait d’union entre les artistes de cette exposition*, dont les pratiques artistiques procèdent également de ce double geste de collection et de montage. Comme le chiffonnier, ils se servent de matériaux du quotidien, s’approprient des anecdotes et des histoires réelles aussi bien qu’imaginaires. Les divers fragments issus de la récolte initiale sont transformés en peintures abstraites ou en objets sculpturaux, donnant une nouvelle vie aux formes et aux idées. Ces œuvres sont l’incarnation de l’idée chère à Walter BENJAMIN selon laquelle « le monde est présent dans chacun de ses objets ».»

Le site Toutes les copies, lieu d’une expérience en live de copy-art appliquée à une cohorte d’objets quotidiens rassemblés littéralement autour d’un copieur personnel dans un cube transparent installé dans un espace d’exposition, au vu et avec la participation du public, fut créé spécifiquement par un collectif d’une dizaine d’étudiants avec leur prof appartenant au département arts plastiques de l’université Paris 8, Vincennes-Saint-Denis, pour l’exposition Les Immatériaux, centre Pompidou, en 1985. Toutes les copies est entré dans les collections du musée du Centre Pompidou en 2022, et vient d’être réactivé, à la demande du Centre Pompidou, pour l’exposition*  Matter. Non-Matter. Anti-Matter, au ZKM | Center for Art and Media Karlsruhe, Sat, December 03, 2022 – Sun, April 23, 2023m

Photos de l’expérience, le 2 décembre 2022, jour du vernissage au ZKM, avec Liliane Terrier et Julie Champion Lagadec


 

Dimanche 28 novembre 2021, 15h-17h30, Théâtre de Gennevilliers, représentation d’Eraser Mountain >http://jlggb.net/blog7/eraser-mountain

Entretien avec Toshiki Okada à propos de son spectacle Eraser Mountain, au théâtre de Genevilliers. Reprise de ce texte publié dans un document de présentation. Propos recueillis par Barbara Turquier, mars 2020
https://theatredegennevilliers.fr/la-saison/programmation/eraser-mountain

«Question : Eraser Mountain semble être un tournant dans votre approche du théâtre. Quel était le point de départ de ce spectacle ?

Toshiki Okada : Il y a plusieurs années, j’ai visité la région qui avait été dévastée par le tsunami après le tremblement de terre de 2011. C’était la première fois que je m’y rendais, et j’ai été choqué de voir que cette zone était en chantier. Comme l’endroit est dangereux, ils rehaussaient le niveau de la terre de douze mètres pour parer un prochain tsunami. Pour réaliser ce projet, ils ont eu besoin de grandes quantités de terre, et certaines montagnes ont complètement disparu. Pour moi, ce chantier incarnait un mode de pensée très anthropocentrique. C’est la raison pour laquelle j’ai voulu réfléchir à la manière dont le théâtre pouvait être moins anthropocentrique, parce que c’est au départ un art très centré sur l’homme.

Question : Comment cette prémisse a-t-elle influencé la conception de votre spectacle – qu’il s’agisse des histoires qui y sont racontées, de la scénographie ou du travail avec les acteurs ?

TO : Pour réaliser Eraser Mountain, j’ai commencé par réfléchir à la manière dont nous pouvions créer un théâtre des choses, et non seulement des humains. Comment des acteurs humains peuvent-ils collaborer avec des objets, plutôt que simplement les utiliser comme des accessoires ou des outils ? Cette relation aux outils et aux accessoires ressemble parfois à une relation de maître à esclave. J’aimerais trouver un rapport plus équilibré entre les deux.

Question : Les photographies du spectacle montrent une scène jonchée d’objets de tous ordres. Comment avez-vous travaillé avec Teppei Kaneuji pour la scénographie ?

TO: Au début de la création, j’ai décidé de faire appel à Teppei Kaneuji, qui réalise la scénographie, mais qui est surtout artiste et sculpteur. Je me suis dit que Teppei serait la bonne personne pour trouver ce nouveau rapport aux choses. Teppei et moi avons décidé de ne pas penser les objets comme un décor. Aucun objet sur scène ne devait représenter quelque chose. Je lui ai dit qu’il pouvait y mettre tous les objets qu’il voulait. Il n’avait pas à se préoccuper le moins du monde des histoires racontées dans les différentes scènes. Nous travaillions ensemble, mais sans nous préoccuper l’un de l’autre. Je créais la fiction, et dans le même temps, il plaçait les objets comme il le désirait.

Question : Peut-on dire qu’il utilise la scène comme il le ferait d’un espace d’exposition ?

D’une certaine manière oui, il réalise une sorte d’installation sur scène. Mais j’imagine que c’est un travail très différent pour lui de le faire dans un théâtre, par rapport à ce qu’il réaliserait en galerie.

Question : Êtes-vous intéressé par l’idée que les objets développent une sorte de vie propre, et que les humains se comportent comme des objets ?

TO: Oui. Une des choses qui m’intéresse, c’est de voir comment on peut faire disparaître la différence entre les humains et les objets*. Nous avons tenté de rendre l’état des acteurs « semi-transparent ». Nous utilisions ce mot « semi-transparent ». C’est étrange et difficile à expliquer, mais le concept a fonctionné. L’idée était en quelque sorte de disparaître, de brouiller la frontière entre les hommes et les objets.

Question : Avez-vous écrit le texte, ou travaillé à partir de matériaux existants ?

J’ai écrit le texte, mais c’est un peu différent d’une histoire. La pièce commence avec quelqu’un dont la machine à laver tombe en panne. Cela peut être un point de départ. Une machine qui tombe en panne, c’est ennuyeux bien sûr, mais cela peut aussi être une bonne occasion de trouver une manière différente d’être en relation avec les choses.

Question : Êtes-vous toujours intéressé par le langage familier et oral qui a marqué vos spectacles passés ? Comment avez-vous travaillé le texte avec les acteurs ?

TO : Je ne me concentre plus principalement sur l’écriture d’un texte dans ce style familier. Désormais ce qui m’intéresse, c’est plutôt de relier l’imaginaire des acteurs au texte qu’ils prononcent. Ma manière de collaborer avec eux a donc évolué. Ces derniers temps, elle vise à trouver et développer un imaginaire aussi intéressant que possible avec les acteurs. Du point de vue des mouvements du corps, l’imagination est importante parce qu’elle peut faire bouger le corps des acteurs. En d’autres termes, elle peut chorégraphier. Néanmoins, j’aime toujours écrire le texte en utilisant ce langage très familier. Une des raisons est que le langage ordinaire affecte les acteurs qui le parlent d’une manière particulière, que j’apprécie.

Question : Vos spectacles impliquent généralement pour les acteurs une chorégraphie gestuelle très spécifique, inspirée du quotidien. Quel vocabulaire gestuel avez-vous recherché pour Eraser Mountain ?

TO : Ce type de mouvements est toujours là, mais ce qui est différent dans Eraser Mountain, c’est l’adresse des interprètes, qui n’est pas conventionnelle. Nous avons essayé de ne pas avoir d’adresse directe des interprètes au public. C’est une autre manière pour nous d’essayer de trouver des alternatives à l’anthropocentrisme au théâtre – à un théâtre des humains dirigé vers des humains.»

Question : Comment la position du public en est-elle redéfinie ? Acquiert-elle une autre statut?

TO : Je ne sais pas. Le spectacle ne peut pas être présenté au public d’une manière directe, mais cela ne veut pas dire que le public n’est pas un public. Les spectateurs doivent expérimenter le théâtre différemment que d’habitude. Je pense que cela peut déclencher de nouvelles manières de penser. Au début, on peut se sentir exclu – mais au fond, ce n’est pas tant le fait d’être exclu que de ne pas être tout à fait au centre.

Question : Cette œuvre propose-t-elle aussi une critique ou un commentaire sur la société japonaise ?

TO : De mon point de vue, Eraser Mountain offre un commentaire sur des problèmes sociaux japonais. Comme je l’ai dit, la pièce est inspirée par le tremblement de terre de 2011. Mais elle est aussi très abstraite, donc peut-être que les problèmes sociaux précis ne peuvent pas être vus.»

* Dans Le Concept de nature (trad. Jean Douchement, Paris, Vrin, 1998), Alfred North Whiteread décrit la relation entre objets et événements d’une façon qui aurait trouvé un écho dans l’appréhension des tissus et techniques textiles chez Anni Albers : «Un objet est un ingrédient inclus dans le caractère d’un certain événement. En fait le caractère d’un événement n’est autre que les objets qui en sont les ingrédients et les manières par lesquels ces objets font ingression dans cet événement. Ainsi la théorie des objets est la théorie de la comparaison des événements. Les événements sont comparables seulement parce qu’ils conduisent à des permanences. Nous comparons des objets dans les événements chaque fois que nous pouvons dire : «C’est encore là». «Les objets sont les éléments dans la nature qui peuvent être encore.» (p.188)» cité dans Anni Albers, Du tissage, T’ai Smith, «Lire Du tissage, page 243, note 7. Isabelle Stengers résume l’usage du terme chez Whitehead de la manière suivante : « Le nom « événement » célèbre le « fait » que ce que nous discernons a toujours un au-delà. » (Penser avec Whitehead, une libre et sauvage création de concepts, p.60)

Colloque Xérographie-Artistes femmes, 1965-1990, INHA, Paris, 18 et 19 novembre 2021

Session 4/4, Pratiques curatoriales. Modération : Julie Jones, Centre Georges Pompidou
Contribution de Jean-Louis Boissier : « Toutes les copies » dans Les Immatériaux, 1985

 

« Il existe un tableau de Klee qui s’intitule «Angelus Novus». Il représente un ange qui semble sur le point de s’éloigner de quelque chose qu’il fixe du regard. Ses yeux sont écarquillés, sa bouche ouverte ses ailes déployées. C’est à cela que doit ressembler l’Ange de l’Histoire. Son visage est tourné vers le passé. Là où nous apparaît une chaîne d’événements, il ne voit, lui, qu’une seule et unique catastrophe, qui sans cesse amoncelle ruines sur ruines et les précipite à ses pieds. Il voudrait bien s’attarder, réveiller les morts et rassembler ce qui a été démembré. Mais du paradis souffle une tempête qui s’est prise dans ses ailes, si violemment que l’ange ne peut plus les refermer. Cette tempête le pousse irrésistiblement vers l’avenir auquel il tourne le dos, tandis que le monceau de ruines devant lui s’élève jusqu’au ciel. Cette tempête est ce que nous appelons le progrès. »

Walter Benjamin. Sur le concept d’histoire, IX , 1940. Gallimard, Folio/Essais, 2000,  p. 434.

Relu dans : https://www.franceculture.fr/emissions/les-regardeurs/angelus-novus-1920-de-paul-klee-1879-1940

Trouvé dans cette page web du site dédié à Picabia — fait par le Comité Picabia, 26 rue Danielle Casanova – 75002 Paris
l’explication de Voilà la fille née sans mère, aquarelle, gouache argentée, encre de Chine, mine graphite sur carton, 75 x 50 cm, vue dans l’exposition au centre Pompidou, Marcel Duchamp, la peinture même, (+ http://slash-paris.com/evenements/marcel-duchamp-la-peinture-meme) :

«Alors, la machine infernale explose : 1914, la Première Guerre Mondiale. Grâce à des relations de sa famille, Picabia militaire part en mission à Cuba en Mai 1915, mission qu’il abandonne lors d’une escale à New York. Il reprend contact avec ses amis de la Galerie 291, Stieglitz et Marius de Zayas, avec Marcel Duchamp et avec le salon de Walter Arensberg, grand ami des arts. Dans un article du New York Tribune d’octobre 1915, intitulé “Les artistes francais stimulent l’art américain”, Picabia écrit :
« La machine est devenue plus qu’un simple instrument de la vie humaine. Elle est réellement une part de la vie humaine. Je me suis approprié de la mécanique du monde moderne et je l’ai introduite dans mon atelier… » Plus loin il affirme vouloir travailler jusqu’à ce qu’il atteigne “le sommet du symbolisme mécanique”. Dans la revue 291 (issue de la Galerie 291), il publie une série de “portraits-objets” comme celle d’Alfred Stieglitz représenté en appareil photographique, le portrait d’une Jeune fille américaine vu comme une bougie de moteur (l’allumeuse) et le dessin Fille née sans mère (quintessence de la machine, créée par l’homme à son image).:

et aussi in
https://www.centrepompidou.fr/cpv/resource/crbjez/rgz6Xn6 >Extrait du catalogue Collection art graphique – La collection du Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, sous la direction de Agnès de la Beaumelle, Paris, Centre Pompidou, 2008.
Texte d’Arnauld Pierre:
«« Il n’est pas donné à tout le monde d’aller à Barcelone », dit une des locutions qui parcourt le Portrait de Marie Laurencin, [figure aussi dans l’expo Duchamp], sous l’aspect d’une chaîne de transmission animant les rouages d’une hélice. Barcelone est alors l’un des lieux d’exil des artistes et intellectuels réfractaires à la guerre et à l’engagement patriotique, dont profitent Marie Laurencin et son mari allemand (d’où l’inscription «à l’ombre d’un boche»), mais aussi Albert Gleizes et son épouse Juliette Roche. Picabia s’y réfugie, entre deux séjours new-yorkais, de l’été 1916 au début de l’année suivante. Il y fait paraître les premiers numéros de la revue 391, organe d’un dadaïsme dont il ignore encore le nom bien qu’il en pratique l’esprit.
En guise de portrait de la séduisante amie de Guillaume Apollinaire, une hélice de refroidissement d’automobile (copiée d’un manuel de mécanique paru en 1915) : Picabia a déjà réalisé, à New York en 1915, des portraits de ses proches en « équivalent-machine (Alfred Stielglitz en appareil photographique, Marius De Zayas sous la forme d’un circuit électrique d’automobile, Paul Haviland étant une lampe de voyage et Agnes Ernst-Meyer une bougie de moteur) ; puis, à Barcelone encore, Juliette Gleizes en manomètre ; lui-même ne s’est pas oublié, en se représentant sous les traits d’un schéma de klaxon. Ces encres précises ou ces aquarelles légères se veulent effectivement sans profondeur ni intériorité, froides comme des schémas scientifiques : Picabia dénie la dimension subjective du genre du portrait en organisant la substitution du psychologique par le mécanique. Le « symbolisme de la machine », auquel il dit s’être converti, est une version désenchantée du « symbolisme psychologique »de l’orphisme. Il ne donne plus accès qu’à l’âme moderne et à ses mouvements réifiés, sclérosés en mécanique répétitive ; l’érotisme lui-même – celui qui pourrait être attaché à l’évocation de la figure féminine, d’une séduction aussi « ventilée » ou volage que celle de Marie Laurencin – n’est plus qu’affaire de rouage et de moteur.
C’est également à New York que Picabia forge le mythe de la « fille née sans mère », la machine, ainsi définie dans un texte contemporain de Paul Haviland paru dans 291 : « L’homme a fait la machine à son image. […] La machine est sa “fille née sans mère”. C’est pourquoi il l’aime. Il l’a faite supérieure à lui-même. C’est pourquoi il l’admire. […] Après avoir fait la machine à son image, son idéal humain est devenu machinomorphique. » La « fille née sans mère » s’insère ainsi dans la lignée de l’ancien mythe romantique de l’engendrement sans organe, où l’on croise l’« Ève future » de Villiers de l’Isle-Adam et d’autres images littéraires ou visuelles, nourries du parallèle entre la physiologie humaine et les organes de la machine – à l’instar de la Broyeuse de chocolatde Marcel Duchamp (1914), qui semble préfigurer la structure mécanique de Voilà la fille née sans mère. Chez Picabia comme chez Duchamp, ces figurations mécanomorphiques sont la plupart du temps sexualisées, et déportent la psychologie amoureuse du côté d’un désabusement cynique et anti-sentimental dont Guillaume Apollinaire, en une claire allusion aux machines de Picabia, fera l’un des traits caractéristiques de ce qu’il nomme l’esprit nouveau : « Des machines, filles de l’homme et qui n’ont pas de mère, vivent une vie dont les sentiments et les passions sont absents. »
En novembre 1922, Picabia expose à la galerie Dalmau de Barcelone une série paradoxale de plus de quarante aquarelles, mêlant sur les murs, par dérision à l’égard de tout système formel, certaines œuvres clairement figuratives (des portraits kitsch d’Espagnoles) à d’autres (les plus nombreuses) qui sont presque abstraites ou géométriques, à effets optiques et encore mécanomorphiques, telle que Pompe. Comme toutes celles-ci, la grande aquarelle offre le schéma, simplifié à l’extrême, d’un moteur de pompe pneumatique « copillé » d’une reproduction photographique tirée du magazine populaire La Science et la Vie. Surfaces sèchement délimitées et remplies en aplats lisses, formes tracées au compas et à la règle définissent un langage visuel fait de précision et d’indifférente neutralité. En l’adoptant, Picabia montre qu’il ne s’agit pas seulement, pour le peintre revenu des mythes de l’art comme épanchement de la subjectivité créatrice, de peindre des machines, mais aussi, en faisant des images avec d’autres images, de peindre comme une machine.»
Références bibliographiques :

Francis Picabia. Collections du Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, D. Ottinger (dir.), Paris, Centre Pompidou, 2003.
Francis Picabia. Galerie Dalmau. 1922, cat. exp., Paris, Centre Pompidou, 1996.
A. Pierre, Francis Picabia. La peinture sans aura, Paris, Gallimard, 2002.

 

imagerie
http://www.lespressesdureel.com/ouvrage.php?id=8&menu=

Vu à Berlin, janvier 2009

chairevent01
George Brecht, Chair Events, (realisiert durch René Block in Sydney 1990). 1969
Sammlung René Block, Leihgabe im Neuen Museum in Nürnberg

«Anyone with one of my scores for a chair-or ladder event can find, or realize, such an event privately. No problem. If such an event is realized in public, it should be titled and/or announced as « A George Brecht ‘Chair Event’, realized by (name of the person who realized it). » If you feel you require ‘authorization’ for the event, then send me two color photos of the work, 20×25 cm, I will then send one photo back to you, with, on the back, my signed ‘authorisation’.» George Brecht an René Block

chairevent02

Entretien avec George Maciunas, Larry Miller, 24 mars 1978
«Si on tire une expérience artistique de la composition de Brecht, allumant et éteignant la lumière tous les soirs ou tous les matins, tout le monde est [artiste], tu vois? […] Si on peut retirer une expérience de la vie quotidienne, des ready-made quotidiens, si on peut remplacer l’expérience artistique par cela, alors on élimine complètement le besoin d’artistes. Tout ce que j’ajouterais et je dirais, eh bien, c’est qu’il serait encore mieux d’obtenir une expérience artistique d’une chaise de Charles Eames, disons. Ainsi on a une bonne chaise sur laquelle on peut s’asseoir, plus une expérience artistique quand on s’assoit. On fait d’une pierre deux coups et on n’a toujours pas besoin d’artistes, mais on a besoin de quelqu’un comme Charles Eames, ah, ah.»

https://art21.org/2021/10/20/five-new-films-for-fall-2021/p

« The Edge of LegibilityKameelah Janan Rasheed

October 20, 2021

One of five new films from Art21’s fall 2021 programming

logo·​phile | \ ˈlȯ-gə-ˌfī(-ə)l : a lover of words. A self-described “learner,” immersed in books since childhood, text-based artist Kameelah Janan Rasheed is uniquely fascinated with the written word and its power to both define and destabilize how we understand the world. Rasheed photocopies pages from books and printed materials, cuts out words and sentences, and re-arranges them in poetic, provocative, or even confusing combinations. The resulting sprawling wall collages, billboards, films and public installations encourage viewers to do the work of understanding. “It’s really an invitation,” says Rasheed, “Come think with me.” This short documentary film explores the artist’s expansive ideas and miniaturist process in her book-filled, Brooklyn home studio; the film’s exclusively close up style mirrors Rasheed’s own preoccupation with fragments, slowly building up a portrait over time.

From her studio, Rasheed sorts through stacks of childhood drawings and family photographs while recounting her father’s conversion to Islam in the early 1980s. His method of note taking, excerpting, and annotating inspired Rasheed’s own artistic practice. “I was thinking of this idea of talking back to a text,” says the artist, “Each time we read something, we’re annotating on the page or in our heads and creating a new text. It’s this act of collaboration between the reader and the writer.” At work on a new piece, Rasheed searches her books for specific shapes and styles of lettering, rather than particular words. She pieces together these fragments into longer phrases and sentences, intuitively creating combinations that code or complicate that which could be said plainly. Rather than jumping to understanding, viewers are invited to move more slowly and engage with works over and over again to create layers of meaning. For Rasheed, this approach also presents a powerful possibility for how we can publicly move through the world and create a kind of self-protection. “I think a lot about what it actually means to make myself legible,” says the artist. “How you present yourself to the world that’s legible and appealing to people, versus I’m not gonna make myself known until I’m ready.” »

New York Close Up

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