Les « vaches-poubelles » : c’est ainsi que l’association Robin des Bois a baptisé le phénomène, qu’elle a entrepris de dénoncer. Les images de corps d’oiseaux de mer à l’estomac farci de débris de plastique ont fait le tour du monde. Le supplice des gros animaux terrestres était jusqu’à présent moins connu.

Dans la panse des ruminants peuvent pourtant s’accumuler morceaux de pneus usagés, fils de fer tordus, clous, morceaux de plastique durs, aiguilles cassées, fils barbelés et de clôture. En cause : les canettes jetées au bord des routes que les troupeaux réduisent en miettes, les restes d’emballages abandonnés dans les fermes, des déchets dispersés dans les pâtures ou qui se glissent dans le foin d’ensilage… En broutant, les vaches les ingèrent et peuvent tomber gravement malades.

Interbev, l’organisation interprofessionnelle du bétail et de la viande, publie sur son site une liste non exhaustive de ces corps étrangers susceptibles de déclencher péritonite, péricardite, abcès, fièvres et troubles du comportement. Selon elle, 60 000 gros bovins sont concernés chaque année par cette « maladie des déchets », comme l’appellent les Américains. A l’abattoir, les carcasses des animaux victimes de tumeurs et d’infections sont partiellement ou entièrement détruites. Ce sont autant de pertes pour les éleveurs.

Une parade : l’aimant stomacal

Manifestement, le problème n’est pas nouveau pour eux. Ils ont imaginé une parade, plutôt rustique, afin d’éviter que les déchets métalliques se déplacent dans l’organisme de la vache et y cause trop de dégâts : l’aimant stomacal.

Il n’est pas difficile d’en acquérir sur Internet, de « très puissants » sous forme de barrettes de 5,5 centimètres, vendues de 4 à 5 euros le lot de douze, ou bien encapsulés dans une « cage » de 10 centimètres à 3 euros l’unité. Le guide poussoir, qui permet d’enfoncer l’aimant vers la panse du ruminant via son tube digestif, coûte dans les 30 euros.

« C’est douloureux, et d’autant plus choquant qu’il faut renouveler ces aimants au bout de quelque temps, assure Jacky Bonnemains, président de Robin des bois. Ce n’est pas une solution : les déchets doivent être sortis de l’environnement. »

L’association écologiste a découvert l’ampleur du problème en travaillant sur la question de la résorption des pneus usagés, qu’une directive européenne interdit désormais de mettre en décharge. Voilà une dizaine d’années qu’elle alerte sur cette pollution dans le monde agricole. Considérés jusqu’en 2015 comme « produits de recyclage », ces déchets ne peuvent plus être vendus en tant que tels. Mais ils servent encore, légalement, à maintenir les bâches qui couvrent l’ensilage, d’abreuvoir, de clôture, voire de combustible pendant les manifestations agricoles.

« Le problème est mondial »

Selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), près de 53 millions de pneumatiques toutes catégories confondues ont été vendus en France en 2017, soit 530 600 tonnes, tandis que le marché mondial s’élève à 1,7 milliard de pneus.

La majorité des pneus usagés sont désormais traités, mais il en resterait environ 800 000 tonnes dans les campagnes. Avec le temps, la gomme se désagrège et la ferraille qu’ils contiennent se disperse dans l’environnement.

« Ces derniers jours, nous avons été contactés par un journal sud-africain, une ONG indienne… le problème est mondial »,témoigne Jacky Bonnemains. Il cite une étude de l’ONG Recycling Netwerk Benelux estimant que 11 000 à 13 000 vaches souffrent de lésions de l’appareil digestif chaque année à cause des déchets ingérés. Environ 4 000 d’entre elles en meurent. » in Le Monde

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