Documenta14. Douglas Gordon/ Jonas Mekas. I Had Nowhere to Go (2016). 2/4


Douglas Gordon, I had nowhere to go (2016), Super 8 film and video transferred to digital video, color and black, sound, 97 min., © Studio lost but found/VG Bild-Kunst, Bonn 2017, courtesy Douglas Gordon

«Douglas Gordon’s I had nowhere to go (2016) is a ninety-seven minute film/projected image installation, in which experimental filmmaker Jonas Mekas is heard via voice-over reading passages from his 1991 autobiography of the same title, while his image intermittently appears out of the dark blankness that the black screen of the work is governed by. The work shows almost nothing. Yet in doing so, the film brings Gordon’s previous interventions in cinematic history and materiality to a new point.
Gordon is known for redefining expectations for the moving image and the relationship between sound, text, image, and the human portrait; consider, for example, 24 Hour Psycho (1993), his video installation that stretched the duration of Hitchcock’s Psycho (1960) from 109 minutes to twenty-four hours by projecting two frames per second instead of twenty-four. By contrast, telling the story of Mekas, the founder of Anthology Film Archives, in New York, means to reflect on the history of avant-garde cinema in which Mekas is a key figure, and introduce Gordon’s own aesthetic decisions to its imperatives—the rejection of linear narrative, persistent sound/image correspondence, suppressing the darkness that lies between the frames. As such, the work reflects the historical position of Gordon’s own oeuvre.
In historical terms, the diaristic passages read in the film describe Mekas’s life as a teenager in occupied Lithuania during World War II. Focusing on the memory of the war as told by a bodiless voice enables Gordon’s work to raise the question regarding the (un)representability of the catastrophe of the war, and furthermore, to participate in the cinematic discussion initiated by Claude Lanzmann’s 1985 film Shoah, which avoided using archival images of World War II in favor of spoken testimonies. Gordon, born in 1966 in Glasgow, and now living in Berlin and Glasgow, indeed turns spoken testimony into a definitive nonimage, while the few visual sequences that the work includes demonstrates its disobedience of the distinction between information and aesthetics.
Following Gordon’s (and Philippe Parreno’s) Zidane: A 21st Century Portrait (2006), I had nowhere to go also continues the artist’s practice as an innovative, and to some extent iconoclastic, portraitist. Yet, while Zidane dismantled the persona by means of over-visibility, Gordon’s current film portrait does so by means of under-visibility, which not only obscures appearance on the screen but also questions the viewer’s sense of self and integrity, rendering the differences between history and phenomenology, selfhood and otherness, indiscernible.»
—Ory Dessau. Posted in Public Exhibition. Excerpted from the documenta 14: Daybookhttp://www.documenta14.de/en/artists/13592/douglas-gordon

«At documenta 14 in Athens, Douglas Gordon chose the open-air movie theater Stella for the presentation of I had nowhere to go (2016), his cinematic portrait of the avant-garde filmer Jonas Mekas, thus integrating the public space of the surrounding apartment buildings and neighborhood into his presentation. In contrast, the atmosphere of the CineStar auditorium in Kassel, where Gordon’s film is also be screened, is distinguished by a sense of intimacy. The film title I had nowhere to go quotes the autobiography of Mekas, published in 1991. In the film Mekas is heard reading his diary that tells of war and displacement and art making, while the image of the artist and writer only rarely surfaces from the darkness of the screen.»
http://www.documenta14.de/en/venues/21709/cinestar


Interview // Douglas Gordon, Part 2: ‘I Had Nowhere to Go’, A Memoir of Jonas Mekas’ Life. from Berlin Art Link on Vimeo.

Film Society of Lincoln Center, ajoutée le 4 janv. 2017. Filmmaker, poet, and artist Jonas Mekas, the subject of ‘I Had Nowhere to Go’ joins NYFF Selection Committee Member Amy Taubin to talk about his experiences and this new film.

Ingrid Luquet-Gad. Douglas Gordon, I had nowhere to go, in O2. Extraits
«Au Festival international du film de Locarno cette année, du 3 au 13 août, se tiendra la première du film I had nowhere to go, dirigé par Douglas Gordon, adapté d’un roman autobiographique de Jonas Mekas. Né en 1922, figure de proue du cinéma expérimental américain, celui-ci condense à lui seul tout un pan de l’histoire du XXe siècle. Histoire mondiale et personnelle, trajectoire intime et élaborations plastiques se retrouvent inextricablement mêlés. En 1944, Jonas Mekas fuit sa Lituanie natale ravagée par la guerre. Intercepté par les allemands, il passera huit mois en camp de travail dans la banlieue de Hambourg. Libéré à la fin de la guerre, il étudiera d’abord la philosophie avant d’émigrer aux États-Unis en 1949. Là, il s’installera à Williamsburg à Brooklyn – un quartier qu’il ne quittera plus. Très vite, Mekas fait l’acquisition de sa première caméra 16mm, au moyen de laquelle il commence à enregistrer sa vie par bobines entières. La vidéo, le cinéma, il y vient donc par la vie quotidienne, comme d’autres tiennent un journal. Dès le début des années 1950, Jonas Mekas se lance dans la réalisation de films, avec notamment un passage par la Factory warholienne, mais aussi dans l’écriture, officiant comme rédacteur en chef de Film Culture mais aussi chroniqueur, ici aussi sous la forme du journal intime, pour les pages cinéma de The Village Voice. À cela s’ajoutera, une décennie plus tard, la fondation de l’Anthology Film Archives, à New York toujours, l’une des plus grandes collections de films d’avant-garde, comprenant un musée, une librairie et une salle de projection.
Depuis, on l’avait laissé en 2001 sur As I Was Moving Ahead, Ocasionnally I saw Brief Glimpses of Beauty, un journal intime filmé de cinq heures assemblé à partir de rushes de plus de cinquante années de documentation scrupuleuse de sa vie. À Locarno, c’est avec l’artiste écossais Douglas Gordon, souvent associé sous nos latitude à la mouvance de l’esthétique relationnelle, qu’il a choisi de faire équipe. Ce nouveau film, on ne l’a pas vu. Et pourtant, il ne semble pour une fois pas forcément abusif d’y apposer des mots avant d’en avoir expérimenté les images. Car Douglas Gordon a choisi de faire un film incantatoire, sans images ou presque. Comme une manière de convoquer par la parole l’irreprésentable de la migration, cet événement pivot autour duquel Jonas Mekas n’aura eu de cesse de tourner, accumulant les bobines et les angles d’attaque. Lorsqu’il évoque la genèse du film, Douglas Gordon s’attarde sur l’une de ses propres œuvres, réalisée en 1996, et l’une des plus chargées de sens à ses yeux. Pas une œuvre vidéo, mais l’inscription en lettres blanches sur la façade de la Kunsthalle de Vienne en Autriche de la phrase « RAISE THE DEAD » (« réveillez les morts »). Une phrase en apparence banale, où se donne pourtant à lire, selon lui, l’antagonisme par excellence des valeurs du XXe siècle, réfutant par son paganisme les fondements rationnels sur lesquels ont été érigées les villes modernistes.
Deux décennies plus tard, I had nowhere to go est un appel à réveiller les images, à les faire se dresser depuis le néant d’un écran en majeure partie laissé noir. Pour aider le regardeur à ce faire, Douglas Gordon fait parler Jonas Mekas de ses images. Et forcément donc, de sa vie : « Il n’avait nulle part où aller. Regardez où nous en sommes à présent. Il y a des centaines de milliers de personnes qui n’ont nulle part où aller. Voilà pourquoi le film est puissant, à mon sens. Surtout s’il est visionné dans le noir. Vous écoutez une voix, et cette voix décrit le sentiment d’être dans le noir et d’avoir nulle part où aller. Et je pense qu’il s’agit là d’une manière radicale de rendre présents les gens au cinéma, parce qu’ils n’ont rien à quoi se raccrocher à part le son, et à peine l’image. La voix raconte une belle histoire de survie. Il n’avait nulle part où aller, mais il y a quand même été ». Parler d’un tel film, même en l’ayant vu, ne mènerait sans doute pas à grand chose de plus qu’une évocation a priori, à moins de se lancer soi-même, à la suite de Mekas, dans une entreprise de « parler autour » voire de « filmer autour ». On comprend combien une telle tâche est l’œuvre de toute une vie : plutôt que d’écrire sur, se laisser contaminer.

Projection à La Tate Modern le 8 octobre :
http://www.tate.org.uk/whats-on/tate-modern/film/douglas-gordon-i-had-nowhere-go
Quelques photogrammes et texte de présentation. Extrait : « Based on Jonas Mekas’s published diaries of the same title, Douglas Gordon’s latest feature takes a radical approach to adapting Mekas’s life story to the space of cinema, offering just ten minutes’ worth of images in the predominantly sound-based work. Sharing at once a very personal yet increasingly universal story of exile, Mekas tells of his experiences in a Nazi forced labour camp, his five years in a displaced persons camp and his first years living as a young Lithuanian immigrant in Brooklyn. His stories offer rich biographical context for the impetus to record seen across his work, from his seminal oeuvre of ‘diary films’ documenting both his daily life and the New York art scene to his role in founding Anthology Film Archives. Featuring a sound design by Frank Kruse (Cloud Atlas, Citizenfour), I Had Nowhere to Go is the first film edited in Dolby Atmos surround to be presented in the newly refurbished Starr Cinema. The screening continues Tate Film’s thread of presenting cinematic conversations between artists of different generations, which began with Akram Zaatari and Hashem el Madani in May, Lynn Hershman Leeson and Tania Bruguera in June and continues with Tyler Hubby and Tony Conrad mid-October. The powerful dialogue established between the two Tate Collection artists in this work effects both a unique challenge to the documentary form and registers a compelling first-hand account of the life of one of the greatest documenters of the human experience. »

Extrait: «Basé sur le diary de Jonas Mekas du même titre, le dernier film de Douglas Gordon adopte une approche radicale pour adapter l’histoire de la vie de Mekas à l’espace du cinéma, offrant seulement dix minutes d’images dans un travail principalement basé sur le son. En partageant à la fois une histoire d’exil très personnelle et toujours plus universelle, Mekas raconte ses expériences dans un camp de travail forcé nazi, ses cinq ans dans un camp de personnes déplacées et ses premières années en tant que jeune immigré lituanien à Brooklyn. Ses histoires offrent un riche contexte biographique pour l’impulsion à enregistrer vu à travers son travail, à partir de son travail séminal de «films journal» documentant à la fois sa vie quotidienne et la scène artistique de New York à son rôle dans la fondation Anthology Film Archives.

Dans le Guardian, article de Jonathan Jones qui le descend en flammes. Extraits
«The villain is the 20th century,” says emigre film-maker Jonas Mekas in Douglas Gordon’s pompous, empty feature film about this counterculture celebrity’s early life. […] I Had Nowhere to Go focuses relentlessly on Mekas’s childhood and youth in a world shattered by war. Born in Lithuania, he was a sensitive young man – “a poet” – caught between the Nazis and the Red Army in what the historian Timothy Snyder calls the “bloodlands” of eastern Europe, the worst killing fields of the second world war. He avoided the Nazi draft, survived slave labour and eventually made it to New York, he tells us in Gordon’s film.»