« Si le temps perdu de La recherche est le temps qu’on perd, comme dans l’expression ‘perdre son temps’, selon Deleuze, c’est dans ce temps-même que s’inscrit enveloppés l’un dans l’autre le récit de formation d’un jeune homme et l’apprentissage d’un homme de lettres. Comme dans tout roman de formation, un apprentissage des différents ‘mondes de signes’, tourné vers le futur, la mémoire n’intervenant que pour corriger et dépasser des illusions successives. Tout jeune (homme ou femme), est un « égyptologue » occupé à déchiffrer des mondes de signes spécifiques ‘qui s’organisent en cercles et se recoupent en certains points’. S’il n’y a plus rien à déchiffrer, on sombre dans l’ennui. » Les trois mondes de signes sont nommés et analysés par Deleuze, ce qui a fait dire à certain auteur que le Proust et les signes (1) de Deleuze est le meilleur traité sur les signes. Ce sont donc, rapidement: « • le monde de la mondanité (monde de l’expérience corporelle et conversationnelle urbaine): « il n’y a pas de milieu qui émette, concentre autant de signes qui tiennent lieu d’action et de pensée, dans des espaces aussi réduits, à une vitesse aussi grande, et dont l’effet sur nous s’exprime dans une sorte d’exaltation nerveuse », monde nécessaire, le plus formateur pour l’apprentissage des signes. Ceci décrit assez bien la conversation névrotique par SMS de Maureen dans Personal Shopper. • « le cercle de l’amour, lieu télépathique des regards et de gestes intimes échangés, ouvrant sur une pluralité de mondes inconnus concentrés en chaque individu et donc indéfiniment indéchiffrables et donc éminemment attirants, mais dont le narrateur n’en est jamais qu’un objet indéfiniment. » • le monde des impressions ou des qualités sensibles, le vaste territoire de la mémoire involontaire ouvert au déchiffrement à la fois universel et individuel, démocratique et rassurant (madeleine, clochers, arbres, pavés, aubépines), agréable mais usé jusqu’à la corde et qui ouvre paradoxalement sur l’art, la peinture. Les termes de mondes, de roman d’apprentissage font irrémédiablement penser au jeu-vidéo interactifs. C’est une voie que je n’emprunte pas ici. Cf > http://www.ciren.org/ciren/colloques/061200/terrier/terrier.html