Pierre Rosenvallon. Une société des égaux. & Marcela Iacub.

Interview de Pierre Rosenvallon, historien, professeur au Collège de France et où est installée aussi l’équipe qui travaille autour de lui à la production du site La Vie des idées, http://www.laviedesidees.fr/rattachée à l’Institut du Monde Contemporain. Recueilli par Sylvain Bourmeau, Libération, 27 août 2011.

«Q.: Vous portez le diagnostic d’une crise de l’égalité, quels en sont les symptômes ?
P.R.: D’abord l’accroissement spectaculaire des inégalités de revenus et de patrimoines. Depuis la fin du XIXe siècle, les pays industrialisés avaient mis en place à travers des politiques sociales et fiscales tout un ensemble de mécanismes correcteurs des inégalités. La crise prend la double forme d’une décomposition de cet Etat-providence et de régression du prélèvement fiscal progressif. Avant l’arrivée de la gauche au pouvoir, en 1981, le taux marginal supérieur de l’impôt sur le revenu [le niveau de taxation de la tranche d’imposition la plus haute, ndlr] était de 65% ; il est aujourd’hui de 41% ! Ce recul s’observe partout. Il est, par ailleurs, à rapprocher de l’accroissement spectaculaire des rémunérations les plus élevées. Dans les années 70 toujours, Peter Drucker, le pape du management d’alors, conseillait aux grandes entreprises de ne pas dépasser des écarts de rémunérations allant 1 à 20 – et cela correspondait d’ailleurs aux pratiques de l’époque. Aujourd’hui, on observe des écarts de 1 à 400 dans les entreprises du CAC 40 ! Mais il ne s’agit pourtant là que de l’une des dimensions, arithmétique, de la crise de l’égalité. Il existe aussi une crise sociale de l’égalité, plus profonde encore.

Q.: Qu’entendez-vous par là ?
P.R.: Je veux parler de tous les mécanismes de décomposition du lien social. Cette crise se manifeste par l’ensemble des formes de sécession, de séparatisme, par le déclin de la confiance encore. On voit aussi ressurgir la figure très XIXe siècle du rentier. C’est de nouveau le passé qui tend à gouverner le présent, comme le dénonçait Balzac. Nous nous retrouvons dans une société où ce n’est plus le travail qui fait le niveau de vie, mais l’héritage, le capital accumulé. La crise de l’égalité est donc celle d’un modèle social. Comme historien, ce retour au XIXe me frappe, il me renvoie, par exemple, au roman de Disraeli, Sybil, dans lequel deux nations hostiles commencent à se former dans l’Angleterre victorienne, les riches et les pauvres vivant sur deux planètes. Toute l’histoire du mouvement ouvrier est liée à la lutte contre ces phénomènes de séparatisme et de sécession. Il devient extrêmement urgent de changer de focale pour réaliser que ce sont bien les conditions de formation du lien social qui sont aujourd’hui en jeu, et que cela ne se réglera pas par de simples ajustements.

Q.: Comment expliquer le délitement progressif de l’idée même d’égalité ?
P.R.: L’idée d’égalité fut le cœur des révolutions démocratiques modernes, aux Etats-Unis comme en France. Il s’agissait de créer une société d’égaux dans laquelle chacun est respecté, dans laquelle les individus sont considérés comme des semblables, dans laquelle chacun se voit donner les moyens d’être indépendant et autonome, dans laquelle chacun participe à égalité au monde commun. Loin d’être secondaire, l’égalité sociale était l’idée matrice de ces révolutions. Son recul progressif s’explique par plusieurs raisons. J’en vois au moins deux de type historique. La peur fut d’abord l’un des grands vecteurs des réformes du XIXe. Les forces sociales naissantes ont évidemment joué leur rôle, mais elles furent aussi acceptées par la droite pour essayer de contrer la montée en puissance des partis socialistes. Bismarck sera le premier à dire qu’il fallait faire des réformes sociales pour éviter des révolutions politiques. Jusqu’à la chute du mur de Berlin, ce réformisme de la peur a joué un rôle fondamental pour justifier la lutte contre les inégalités. Aujourd’hui, les peurs collectives renvoient à l’insécurité, au terrorisme. Ce sont des peurs négatives qui ne produisent aucun lien social, mais au contraire un Etat autoritaire coupé de la société.

Q.: Quelle est l’autre explication historique ?
P.R.: Les épreuves partagées, bien sûr. La Première Guerre mondiale a joué un rôle très important dans ce que les historiens ont appelé la nationalisation des classes ouvrières en Europe. La Seconde, après laquelle a émergé un modèle keynésien-redistributeur. Mais il y a d’autres facteurs proprement sociologiques et culturels, peut-être plus importants encore. Notamment la montée en puissance de ce qu’on appelle de manière très générale le néolibéralisme. Il a justifié le démantèlement de l’Etat-providence (même s’il est encore résilient) et la réduction des impôts. Mais ce néolibéralisme a aussi correspondu à des formes d’attentes sociales. Il a deux visages : destruction d’un monde commun, mais aussi reconnaissance d’un certain nombre de droits. Les individus ont fini par accepter tacitement des formes de destruction du monde commun, regardant surtout la contrepartie de l’accroissement de leur marge de liberté individuelle. Cela s’est lié à la mise en avant de la figure du consommateur. L’Europe s’est d’ailleurs significativement développée à partir des années 1980 comme la grande institution de défense de cette figure du consommateur. Or le consommateur ne se définit pas dans un lien avec autrui, mais par le fait qu’il peut choisir entre trois opérateurs téléphoniques ! C’est un individu diminué, a-social.

Q.: Cela renvoie aussi à ce que vous proposez d’appeler paradoxe de Bossuet…
P.R.: «Dieu se rit de ceux qui déplorent les conséquences de faits dont ils chérissent les causes», disait-il. Il y a presqu’une quasi-unanimité sociale pour considérer que les inégalités actuelles sont insupportables, mais en même temps les mécanismes qui produisent ces inégalités sont d’une certaine façon globalement acceptés. Si l’on entend des critiques sur les salaires des PDG qui ne renvoient clairement pas à des éléments de mérite, c’est moins le cas pour les rémunérations des stars du football par exemple, qui semblent davantage «méritées». Au fond, l’idéologie du mérite s’est partout imposée, porteuse d’un consentement silencieux à une partie des mécanismes producteurs des inégalités. Un bon indice : dans le monde intellectuel, depuis vingt ans, toute la réflexion sur les inégalités et la justice a porté sur la bonne distribution des richesses entre les individus. Mais il s’agit aussi d’organisation du monde commun. Les théories de la justice se contentent de se demander quels sont les écarts acceptables entre individus quand nous devrions aussi nous interroger sur ce qui constitue un monde commun. Voilà pourquoi, dans ce livre, je propose de changer de point de vue, et de parler de société des égaux. C’est d’une forme sociale qu’il faut discuter, pas seulement d’une forme de distribution.

Q.: Comment est-on passé de la notion d’égalité à celle d’égalité des chances ?
P.R.: L’égalité des chances est au cœur de la doctrine méritocratique. Et si elle présente une part de validité, elle ne saurait fonder seule une vision sociale. Pour instaurer une véritable égalité des chances, il faudrait d’ailleurs aller extrêmement loin. Une vision radicale de l’égalité des chances présupposerait une véritable désocialisation de l’individu, afin de le soustraire au poids du passé et de l’environnement. Pendant la Révolution française, certains avaient proposé en ce sens d’ériger des maisons de l’égalité dans lesquelles tous les enfants seraient élevés en commun jusqu’à ce qu’ils atteignent l’âge de travailler ! Cette philosophie impliquerait aussi logiquement l’interdiction de tout héritage – c’était au XIXe la position des saint-simoniens, champions d’alors de l’égalité des chances. La conséquence logique est en retour de faire accepter toutes les inégalités produites par la suite. Ce qui explique la vision inégalitaire et hiérarchique du monde des saint-simoniens. On ne peut donc pas fonder une vision sociale progressiste sur cette théorie de l’égalité des chances. Elle peut nourrir des politiques sociales ponctuelles, mais ne peut pas être le pilier philosophique d’une vision de la société progressiste.

Q.: Cette société progressiste, vous la qualifiez de monde des égaux…
P.R.: Parler de société des égaux, c’est montrer que l’égalité ne se résume pas à sa dimension arithmétique, même si, bien sûr, elle est essentielle. Il y a trois dimensions fondamentales dans l’égalité. C’est d’abord un rapport social, cela concerne les positions des individus les uns par rapport aux autres. Tocqueville parlait de société des semblables : tous les individus sont les mêmes (ce contre quoi les visions racistes chercheront toujours à revenir en arrière). Cette idée est fondamentale, mais aujourd’hui l’individualisme de la similarité n’est pas suffisant car chacun ne veut pas simplement être quelconque. L’individualisme de la similarité consistait à dire : au fond, si les hommes sont vraiment semblables, ils ne se distingueront plus. Or, aujourd’hui, chacun veut au contraire se distinguer des autres. Se singulariser. C’est pourquoi l’un des fondements d’une société des égaux, c’est la reconnaissance de la singularité, que chacun puisse être reconnu et protégé dans sa singularité. Mais il n’existe aujourd’hui que des formes dévoyées de cette singularité démocratique, exprimées sur un mode communautaire, ou participant à l’inverse d’une aversion aristocratique pour les masses. Faute de pouvoir être un véritable individu parce qu’on est méprisé dans la société, on va se réfugier au sein d’un groupe identitaire. L’égalité doit permettre d’être considéré pour soi et non pas assigné à un groupe en étant qualifié de Noir, de banlieusard, d’homosexuel… Une société des égaux doit faire de l’idée des constructions des singularités une sorte d’utopie positive.

Q.: Vous distinguez une deuxième dimension de l’égalité
P.R.: C’est l’égalité en tant que principe d’interaction entre les individus. Sur ce point, toute la science sociale a oscillé entre deux visions. D’un côté, l’idée du choix rationnel, de l’homo œconomicus, selon laquelle les individus sont gouvernés par leurs intérêts. De l’autre, des théories qui insistent sur la coopération, comme, par exemple, Kropotkine, le fondateur de l’anarchisme. Dans l’Entraide, son livre paru au début du XIXe siècle, il affirmait que la coopération était au fondement du comportement humain. Et l’on voit aujourd’hui de plus en plus de théories de l’altruisme ou de la bonté se développer. Certains déduisent par exemple de la façon dont se comportent les singes bonobos que les individus seraient naturellement altruistes et coopératifs. Je pense en fait que les individus ne sont ni simplement des calculateurs rationnels ni tout bonnement altruistes : ils sont réciproques. Parce que la réciprocité, c’est, comme l’égalité dans le suffrage universel, la règle qui peut mettre tout le monde d’accord. Or nous sommes aujourd’hui dans des sociétés en panne de réciprocité. Parce qu’il n’y a pas de visibilité. Quand on voit que les petites entreprises paient plus d’impôts que les grandes, que les charges fiscales ne sont pas équitablement réparties… Il ne s’agit pas de sociétés réciproques. Pourtant, la construction d’un monde réciproque est une chose fondamentale.

Q.: Troisième dimension de l’égalité ?
P.R.: L’idée que l’égalité est construction d’un mode commun. C’est ce que j’appelle le principe de communalité. Déjà Sieyès expliquait au moment de la Révolution française que multiplier les fêtes publiques et les espaces publics, c’était produire de l’égalité. Parce que l’égalité, c’est un monde dans lequel chacun rencontre les autres. Ce n’est pas simplement un rapport individuel, mais un type de société. J’ai été frappé, comme beaucoup, de lire dans Hommage à la Catalogne les pages dans lesquelles George Orwell décrit ce qu’il ressentait alors dans la ville de Barcelone : un type de rapport social dans lequel personne ne cirait les bottes des autres, où il y avait une forme d’égalité dans l’échange, où l’on avait à faire des choses en commun.

Q.: Singularité, réciprocité et communalité, sont donc selon vous les trois facettes de l’égalité ?
P.R.: Ces trois principes sont aussi pour moi les fondements d’une société des égaux. Ils peuvent servir de base à un projet social très largement accepté. Nous sommes à un moment où il nous faut impérativement réactualiser les révolutions démocratiques d’origine, qui ont été mises à mal par le développement du capitalisme, par les épreuves des grandes guerres mondiales, les affrontements idéologiques Est-Ouest… C’est urgent, car nous sommes en train de renouer avec les pathologies les plus terribles du lien social. Les formes d’inégalités croissantes, mais aussi la xénophobie, le nationalisme renaissant. Comme historien, je suis frappé de voir le discours des années 1890 revenir en force à travers les mouvements d’extrême droite et néopopulistes en Europe. Des journaux avaient pour titre «La défense du travail national» au milieu des années 1890 ; lorsque Barrès publie son premier livre pour les élections, en 1893, il le titre Contre les étrangers…Faute de penser l’égalité comme lien social démocratique, elle se dégrade dans ses pires falsifications, confondues avec l’homogénéité et l’identité.

Q.: La gauche a-t-elle, de ce point de vue, une responsabilité particulière ?
P.R.: Aujourd’hui, la gauche a pour mission de ne pas se réduire à être celle qui corrige à la marge, ou même de façon plus importante, les inégalités de revenus. Elle ne doit pas se fixer simplement pour objectif d’agir au niveau européen pour l’adoption de régulations économiques et financières plus fortes. Elle doit viser à reconstruire la culture démocratique moderne. Voilà le véritable objectif du moment 2012.

Q.: Le Parti socialiste parle d’égalité «réelle», qu’en pensez-vous ?
P.R.: Préciser égalité «réelle», c’est reconnaître qu’il y a effectivement quelque chose d’épuisé dans la langue de caoutchouc habituelle. Mais il ne suffit pas d’un épithète flatteur. Le vrai langage politique doit donner un sens à ce que vivent les gens, un sens imagé. Or le terme d’égalité réelle reste abstrait. Quand on regarde le document du Parti socialiste, on n’y voit pas de ligne directrice, mais un catalogue de mesures diverses, dont un certain nombre sont certainement très bonnes, des mesures fiscales, sur le rôle de l’école, etc. On peut éventuellement gagner les élections avec un catalogue – si l’on a en face un adversaire médiocre -, mais on ne change pas la société sans une philosophie sociale et politique. Et le but de la gauche doit bien être de changer la société. Et pas seulement, contrairement à ce que certains pourraient considérer comme un objectif suffisant, de nous débarrasser du régime actuel.»

La lecture particulière de Marcela Iacub.

«Le dernier livre de Pierre Rosanvallon, la Société des égaux, est salué par la presse de gauche avec un enthousiasme unanime. Voici un auteur qui nous propose des remèdes radicaux pour en finir avec les inégalités, les ghettos et les mécanismes d’exclusion qui gangrènent les pays démocratiques depuis quelques décennies. Un auteur qui sait que faire. Or, il suffit de lire attentivement cet essai pour comprendre que le problème qui le hante n’est pas la férocité du capitalisme actuel, mais la puissance de la démocratie. Car c’est de cette dernière que serait né le mal sociétal qui nous accable, et dont les inégalités économiques ne seraient que l’une des multiples manifestations.
Certes, Pierre Rosanvallon ne lie pas d’une manière mécanique l’enfer économique à l’essor des libertés individuelles et à la participation accrue des citoyens, les deux traits les plus saillants des démocraties contemporaines. Ce que l’auteur prétend, c’est que ces dernières n’ont pas su créer de règles susceptibles de structurer la société, ce qui les a rendues incapables de se protéger contre les ravages de la nouvelle ère capitaliste. Et si l’on veut renverser la tendance, il faudrait que le peuple souverain ne continue plus à se tromper, à faire n’importe quoi avec sa liberté.
La voie la plus adaptée que Rosanvallon trouve pour y arriver est la mise en place d’une révolution juridique dont le but serait de transformer l’amas d’individus déboussolés, isolés, indifférenciés, égoïstes que nous sommes en un peuple, une communauté. C’est ce qu’il appelle faire corps, vivre ensemble, refonder la société. C’est, une fois purifié, assaini, sorti de cette décadence, que le citoyen démocratique sera enfin capable de produire des règles justes et rationnelles. Comme si pour exercer ses prérogatives de souverain, pour faire un bon usage de sa liberté, il devait être «traité», guéri, soumis au préalable à cette révolution quasiment thérapeutique. Les nouvelles règles devraient s’attacher à combattre les deux grands maux qui sont comme le symbole même de nos pathologies sociétales.
Le premier est celui de l’indifférenciation entre les individus, les genres, les positions à laquelle Rosanvallon oppose une politique des singularités. C’est pourquoi il prône, par exemple, que les allocations sociales ne soient pas octroyées selon des standards généraux, mais que l’Etat puisse «pénétrer la vie des individus» afin de contrôler, de la manière la plus intime qui soit, leurs parcours. Et c’est son aversion pour l’indifférenciation qui le pousse à s’opposer à toute politique qui pourrait entraîner l’effacement des différences entre les genres, comme pourrait l’être, par exemple, la fin de la mention du sexe à l’état civil ou la «libre disposition» de celui-ci par les minorités transsexuelles. Le second mal à combattre est la séparation, le schisme, le refus d’une vie commune avec les autres membres de la société. Or, s’il commence par fustiger les séparatismes des riches et à dénoncer celui des pauvres, il transpose ensuite les mêmes jugements négatifs aux communautarismes culturels et à toutes les formes de «schismes» sociaux ou individuels si libres, si intéressants, et si pacifiques soient-ils. En vérité, c’est toute la politique des droits et des devoirs qui devrait selon Rosanvallon être révisée et soumise à sa thérapeutique politique.
A ses yeux, les règles qui ordonnent nos comportements devraient non seulement tenir compte de la cohésion sociale, mais instituer le social lui-même au lieu de servir à des intérêts égoïstes. Ainsi, l’on devra interdire certains comportements parce qu’ils nuisent non pas à d’autres individus ou aux intérêts de l’Etat, mais à cette chose sacrée qu’est la maille nous unissant les uns aux autres dans une même société. Or, le problème de ces règles est que non seulement elles sont liberticides pour les individus, mais qu’elles ne pourraient pas être transformées par les assemblées souveraines car elles soutiennent, supportent la société. Ce que ce livre cherche à nous expliquer, c’est donc que si nous voulons en terminer avec les inégalités économiques, il faut que nous le payions avec nos libertés individuelles et politiques, c’est-à-dire, en affaiblissant le régime démocratique. Et l’absurdité aussi bien politique que pratique d’une telle proposition permet de soupçonner que, loin d’être le problème prioritaire, les inégalités économiques sont, pour Pierre Rosanvallon, plutôt l’occasion de promouvoir l’avènement d’une société paternaliste et autoritaire.
Or, les rapports entre les inégalités économiques et le renforcement de la démocratie sont problématisés d’une manière parfaitement inverse par le mouvement des Indignés. A leurs yeux, la misère économique est ce qui prouve, entre autres, que les libertés du citoyen ne sont pas assez étendues, et qu’il faut que nos démocraties approfondissent nos pouvoirs de délibération et de participation. Certes, vous pouvez penser que c’est Pierre Rosanvallon qui a raison et non pas les Indignés, et c’est votre droit. Mais promettez- moi au moins que le jour où vous serez arrêté pour «séparatisme» ou condamné pour «indifférenciation», vous penserez, ne serait-ce qu’un instant, à ces propos à contresens.»