Lu dans le Libé du week-end

Presque aussi intéressant que le Sunday Times fin des années 60.
1.
Art

1.1.
calvin
Brian Calvin, Group Smoke (Courtesy Brian Calvi et Anton Kern Gallery, New York.)
mot-clé : place du spectateur

Judicaël Lavrador. «Brian Calvin, mission impossible» :

«Cheveux longs et raides, serrées les unes contre les autres, faisant corps et écran, à tel point qu’elles empêchent le regard de se faufiler vers la moindre perspective, les trois filles de Group Smoke semblent moyennement heureuses de vous voir. Ça commence mal. On dirait qu’on les gêne, alors qu’on est venu ici pour elles et leurs consorts, tous personnages de Brian Calvin à qui le centre d’art contemporain le Consortium à Dijon consacre une rétrospective pas exhaustive, mais assez peuplée.
En peinture, ce renoncement du modèle à se livrer, trop occupé qu’il est à lire, à rêvasser ou à cloper pour qu’il daigne vous prendre en ligne de compte, sinon en ligne de mire, a déjà été pensé par l’historien de l’art Michael Fried. «Il faut, écrivait-il dans la Place du spectateur, que l’artiste cherche un moyen de neutraliser, voire de nier la présence du spectateur, pour que puisse s’établir cette fiction qu’en face du tableau, il n’y a personne.» Le sujet dépeint «absorbé» dans ses pensées n’est plus sur la toile pour se pavaner, et le genre du portrait répond à une autre fonction que la présentation posée et sociale du modèle. Qui de toute façon, chez Brian Calvin, n’a jamais d’existence de chair et d’os : ces gens ne sont que sous son pinceau. Il ne les a même pas portraiturés d’après des photos trouvées ici ou là, comme nombre de ses contemporains peuvent choisir de le faire.»
Brian Calvin : «Je ne travaille pas vraiment d’après photos, rappelle Brian Calvin. Toutefois je me sers de mon iPhone pour documenter la progression du tableau. Et si je n’aime pas la manière dont il a avancé, je vais regarder les images pour penser à une nouvelle façon de procéder.» *

* On pourrait dire : « la méthode expérimentale implique de tâtonner, de procéder par essais successifs, de voir ce que ça donne. J’aime l’empirisme. Je refais plusieurs fois les choses. On ne dit pas : je serai plus inspiré demain. Non, on tire les leçons. »

1.2

Kool A.D. – Hickory (Official Music Video)
from Youth Experimental Studio on Vimeo.

Kool A.D, Hickory, avec en featuring Talib Kweli et Boots Riley est un clip constitué de 24 aquarelles par seconde, fignolées par le collectif d’art péruvien Youth Experimental Studio. Mot-clé : aquarelle, clip

2.
Littérature Essais

2.1.
whitehead
Whitehead, vers 1925. (Photo by Hulton Archive/Getty Images)
Didier Debaise L’Appât des possibles, reprise de Whitehead, Les presses du réel «Intercessions», 164 pp., 15 €.

Ali Benmakhlouf. «Place au conditionnel». Mots-clé : possible, bifurcation

«Le titre s’apparente à la description d’une chasse ou d’une séduction. Il s’agit pourtant d’une métaphysique sous contrôle de la logique. L’Appât des possibles, ce sont des préhensions, des captures qui se mesurent non seulement à ce qui a été de fait choisi, proposé et sélectionné, mais aussi à ce qui est écarté, exclu. La bataille de Waterloo aurait pu ne pas avoir lieu et ce conditionnel est inscrit dans son indicatif.
Whitehead est un épistémologue tout autant qu’un métaphysicien. Didier Debaise montre dans cet ouvrage d’une limpidité cristalline comment ce philosophe de la première moitié du XXe siècle a refusé la «bifurcation de la nature», qui n’est pas un simple dualisme matière/esprit, mais cette distinction élaborée par la philosophie classique – John Locke notamment – entre qualités primaires des corps (nombre, mouvement, étendue) et qualité secondes (goût, couleurs, sons). Elargir le concept d’expérience, c’est éviter non pas tant les abstractions scientifiques qui donnent lieu à ces distinctions et qui ont eu un rôle majeur dans la constitution de la science moderne, que la «réification de ces abstractions». L’abstraction scientifique ne saurait rejoindre la synthèse de la nature, elle n’est que l’outil pour aborder celle-ci. La matière ne saurait se réduire par conséquent, dans sa «réalité», à sa localisation spatio-temporelle, à moins de devenir un «concret mal placé».
Cet ouvrage aurait pu s’intituler «philosophie de l’importance», car si les sentirs («feelings») sont des préhensions qui contractent, chacun dans sa singularité, l’univers passé dans son entièreté —là est la thèse métaphysique forte de Whitehead—, ils sont aussi caractérisés par leur intensité, par l’importance qui les fait exister au-delà d’eux-mêmes : telle découverte scientifique, telle bataille, tel choix sont non pas tant des «intérêts» que des importances, ces «traces de tous les possibles qui accompagnent un sentir», et qui à l’échelle de l’individu humain font partie des choix décisifs qui configurent une existence.»

2.2.
serres
Michel Serres. Le gaucher boiteux, Le Pommier, 280 pp., 22 €

Article de Robert Maggiori. «Michel Serres annonce un âge doux» :

«Voici le 60e livre de Michel Serres, qui, d’une certaine manière, les «contient» tous, comme la goutte d’eau contient tout l’étang. Une œuvre complexe, qui culmine avec la série des Hermès, qui irradie tous les champs du savoir, et que l’académicien, à partir peut-être des Cinq sens, a voulu rendre de plus en plus accessible, en la dépouillant de tout sabir technique et de tout appareil critique savant. Son coup de maître, en ce sens, est la Petite Poucette qui – s’appuyant sur ce geste quotidien des doigts qui écrivent à mille à l’heure sur le portable – décrit le sens de la révolution numérique. Le Gaucher boiteux connaît le même succès – sans doute parce qu’en une langue fastueuse et sensuelle, imbibée de toutes les sonorités de la nature, Serres continue d’y dire comment va le monde et comment la pensée doit le penser.

1 Faire le «grand récit de l’univers», c’est osé !

Pas tant que cela, si on réalise que quatre grandes règles régissent tout ce qui est. Bactérie, champignon, baleine, séquoia : il n’y a pas de vivant dont on ne puisse dire qu’il n’émet pas d’information, n’en reçoit, n’en stocke ni ne la traite. Mais il en va de même pour ce qui n’est pas biologique : cristal, roche, étoile… Et pour ce qui est humain : individu, famille, ferme, village, métropole… Or penser, c’est également recevoir, émettre, stocker, traiter de l’information… Et si la pensée n’est pas la répétition mais l’invention, il n’est pas impossible, suivant les mêmes règles que tout ce qui existe, qu’elle puisse saisir les nouveautés de l’Univers, l’évolution du monde, avec ses ramifications, ses bifurcations…

2 C’est le rôle du concept que de «saisir», non ?

Mais il ne s’agit pas de concept, si on entend par là la froide élaboration de l’esprit. Le concept, c’est la main, avec ses doigts gourds ou agiles, le nez, le corps tout entier, dans le concept il y a du sang, de la sueur, de la terre, du sel, l’eau des rivières, la neige des montagnes, les loups et les hiboux… Chaque espèce réussit l’adaptation à son milieu, en joue et en devient maîtresse, chaque espèce «connaît son monde». Pour connaître le nôtre, il nous faut voler comme l’aigle, travailler le bois comme le castor, enseigner avec autant de finesse qu’un loup, briller comme une étoile… La voile avance en jouant avec le vent contraire : eh bien la pensée humaine doit de la même façon «épouser» le flux vivant ou le «potentiel cosmique», vivre en lui, habiter en lui, s’informer de son information, agir avec lui…

3 Nous serions entrés dans une nouvelle ère ?

Oui : l’âge doux. Se déroule sous nos yeux une nouvelle révolution technique, aussi industrieuse, mais décrochée des sciences qui conditionnaient les précédentes, la physique, la thermodynamique, et amarrée aux sciences de la vie et de la Terre, et à l’information. Tout en sera changé, la vision du monde, le souci des choses, les pratiques, le droit, la politique, la morale, et notre être-au-monde lui-même. La pensée devra se faire «douce», elle aussi.»

Retour de l’atelier des enfants de l’expo de Saint-Denis

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photo © Anne Z., mère de Gaspard et Samuel : «Voici comme promis une image des créations pâte à modeler de Samuel (le volcan) et de Gaspard (l’étoile) bien inspirés de ce matin. Ils étaient tout contents de leur matinée à Saint-Denis ! Depuis notre retour, je n’arrive pas à faire sortir Gaspard de l’appartement, il veut rester jouer avec la PlayDoh… »

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Jeegee, Trophees, glass-drawing, posca, réalisé le lundi 8 juin, sur la vitrine du hall d’exposition de l’université Paris 8, 2, rue de la Liberté, Saint-Denis, dans la partie consacrée à l’atelier des enfants de l’expo Vincennes imprime son cinéma, à Paris 8.

Vers une plateforme des ressources numériques. Archéologie

Vers une plateforme des ressources numériques, séminaire-débat dans l’exposition Vincennes imprime son cinéma. Ma brève intervention :
«Sacrifier à l’autobiographie». Ce que je fais ici en revenant sur mon rôle d’éditrice ayant trait à l’archivage de l’art contemporain et des nouveaux médias sur le mode numérique. Deux formes :

1.
La boîte en valise* : le CDRom puis une forme de site internet quand le CDROM est mort.
* «Il y a une manière précieuse et duchampienne de faire des CDRom puis des sites internet, des CDRom et des sites boîte-en-valise, réceptacles circonscrits dans le disque CDRom puis dans l’immense espace d’Internet, qui jouent l’intériorité, la richesse enclose, qui utilisent les jeux de diorama des livres à système. Dans ces sites, comme dans les livres animés, on trouve la solution de tous les mouvements des images et des textes dans le secret des onglets.»

1.1.
Comme un catalogue d’exposition mais sous forme de CDRom, avec des images qui bougent, de l’hypertexte, des mots-clés pour circuler à l’intérieur.
Le catalogue de la biennale de Lyon, 1995 (logiciel director). Je prépare tous les textes et le découpage pour les clips talking heads  des artistes. Jean-Marie Dallet est réalisateur.

1.2.
Comme un catalogue d’exposition, sous forme de site internet
Artifices, biennale des arts et des nouveaux médias, Saint-Denis, quatre éditions 1990, 1992, 1994, 1996. Chaque fois, un double du catalogue figure sous forme de sites internet. HTML pur et dur, incunables années 90. Aux manettes, Jean-Marie Dallet, Jean-François Rey, Guillaume Dimanche et moi, éditrice. Un site regroupant les 4 éditions est recomposé en 1996 par Jean-François Rey, toujours en ligne http://www.ciren.org/artifice/index.html
Très joli fond bleu ciel, très beau caractère courrier rouge et noir dès l’édition princeps
http://www.ciren.org/artifice/artifices_1/index.html

1.3.
Comme un rapport de recherches universitaires sous forme de site internet
Andrea Urlberger, Paysage technologique — théories et pratiques autour du Global Positioning System. La réalisation du site a été faite par Andrea (textes et entretiens filmés) et moi (site). Novembre 2007. Logiciel Dreamweaver. Esthétique Biennale de Lyon. Tout est toujours accessible sur la page unique. Aucune arborescence, on navigue sur deux niveaux superposés en inframince. Tout est toujours accessible.
http://www.ciren.org/ciren/laboratoires/Paysage_Technologique/index.html

2.
L’archivage de l’art en temps réel

2.1.
Esthétique du portail. Même principe de non arborescence. Principe d’une mosaïque d’imagettes individualisées légendées par lesquelles on pénètre dans un deuxième niveau, et on remonte à la surface du portail. Site du Ciren, (Centre interdisciplinaire de recherche sur l’esthétique du numérique) qui est un programme de recherche de l’Université Paris 8 bénéficiant du soutien du Ministère de la culture (Mission Recherche et Technologie). Maquette du site Michael Sellam, Logiciel Dreamweaver +. Je suis éditrice du site de 1998 à 2008. Entrées : colloques, conférences, formation, laboratoires, productions, observatoire. Il reste en ligne
http://www.ciren.org/

2.2.
Esthétique des canaux. Site pédagogique du département Arts plastiques. Créé par Jean-Noël Lafargue et moi, en 1999. Maquette, typo : Fabien Lagny. Logiciel Dreamweaver. 24 canaux : http://www.arpla.fr/index2.html. Chacun d’eux est attribué à un prof qui le gère librement. J’en ai deux, le Canal 2 (rose) mon cours, http://www.arpla.fr/canal2/index.html, puis un deuxième, le Canal 10 Momac, moments d’art contemporain, suivi et compte-rendu d’un programme de conférences d’artistes invités (vidéo enregistrée et dérushée et montée en cours, et textes http://www.arpla.fr/canal10/index.html. Une liste chronologique s’édifie au fur et à mesure de la tenue des conférences dans la durée des programmes annuels de 2000 à 2007. L’hypertextualisation, c’est Google qui s’en charge.

2.3.
Prenant la suite à la fois du CIREN et du Momac, sous forme de blog wordpress  adoptant l’ordre chronologique des tenues des conférences à l’ENSAD, se crée L’Observatoire des nouveaux médias http://www.arpla.fr/odnm/ J’en ai la charge éditoriale pleine et entière. C’est un cycle de conférences organisé par l’École nationale supérieure des Arts Décoratifs (laboratoire de recherche EnsadLab) et l’Université Paris 8 (Master « Art contemporain et nouveaux médias » et équipe de recherche « Esthétique des nouveaux médias »). Ce cycle de conférences est élaboré par des enseignants-chercheurs du département Arts plastiques de l’Université Paris 8 en coopération avec des chercheurs d’EnsadLab/École nationale supérieure des arts décoratifs. Ces conférences interrogent la spécificité artistique des nouveaux médias en observant divers aspects de la création qui les impliquent, sans pour autant se centrer exclusivement sur eux. Elles invitent à discuter des pratiques et des propositions d’artistes, chercheurs, techniciens et commissaires d’expositions. Les conférences « Observatoire des nouveaux médias » ont lieu en moyenne tous les 15 jours, mercredi de 18h30 à 20h30 à l’École nationale supérieure des Arts Décoratifs, Amphi Rodin, 31 rue d’Ulm, 75005 Paris.
L’édition sur le blog se fait systématiquement dans la semaine suivant la conférence. La conférence enregistrée en vidéo par les techniciens vidéo de l’Ensad est dérushée, éditée sous flash, chapitrée, commentée, par moi. Deux catégories de posts apparaissent sur le blog dans une simple  colonne fer à gauche :  a) la liste des titres des conférences éditées en pages fixes qui elles s’ouvrent dans le large espace  à droite de la liste, et qui comportent l’annonce de chaque conférence à laquelle s’ajoutent donc très rapidement, dans la foulée de la tenue de la conférence, les séquences vidéo chapitrées et annotées de la conférence; b) la liste sous forme de diary des commentaires des étudiants-rédacteurs édités au jour le jour,  en articles (blog collectif), signés et mis en ligne par eux-mêmes, mais relus et corrigés par moi dès leur publication (sorte de copies en ligne). Il y a entre  quarante et cinquante étudiants rédacteurs s’exprimant sur chacune des conférences. Durée du programme Odnm, de 2007 à 2012.

2.3.1
Le catalogue de l’exposition Leurs Lumières, 2012, adopte la forme du blog (wordpress), en deux catégories, les pages fixes, reprenant le catalogue papier et des textes d’approfondissement de la thématique artistique, et des articles, qui repèrent au jour le jour des événements et documents concernant la thématique artistique, et qui restent ouverts.
http://www.ednm.fr/leurslumieres/

La tâche d’hypertextualisation est laissée aux bons soins de Google. Tous les mots sont des mot-clés possibles. On peut travailler à faire remonter sur Google des mots-clés.

Mathieu Lindon. Belhaj Kacem, Artaud, le couperet du complot