Habib Ouane. Les Pays les Moins Avancés.

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Habib Ouane, directeur en charge de l’Afrique et des pays les moins avancés de la Cnuced, commente le rapport 2009 de la conférence des Nations unies sur le commerce et le développement qui analyse l’impact de la crise sur les pays pauvres [les Pays les Moins Avancés dits les PMA]. France 24, jeudi 13 août 2009.

Les PMA ou cet «autre monde»…

«Le monde, […] tel qu’en apparence il existe, n’est pas celui de tout le monde. Car les démocrates, gens de l’emblème [démocratique], gens de l’Occident, y tiennent le haut du pavé, et les autres sont d’un autre monde qui, en tant qu’autre, n’est pas un monde à proprement parler. Tout juste une survivance, une zone pour les guerres, les misères, les murs et les chimères. Dans ce genre de « monde », de zone, on passe son temps à faire ses bagages, pour fuir l’horreur, ou pour partir où? Chez les démocrates, évidemment, qui prétendent régenter le monde et ont besoin qu’on travaille pour eux. On fait alors l’expérience que, bien au chaud sous leur emblème, les démocrates ne veulent pas de vous, qu’ils ne vous aiment pas. Au fond, il y a une endogamie politique: un démocrate n’aime qu’un démocrate. Pour les autres, venues des zones affamées ou meurtrières, on parle alors de papiers, frontières, camps de rétention, surveillance policière, refus de rassemblement familial… Il faut être « intégré ». A quoi? A la démocratie, sans doute. Pour être admis, et peut-être un jour lointain salué, il faut s’être entraîné chez soi à devenir démocrate, de longues heures, en travaillant dur, avant de s’imaginer pouvoir venir dans le vrai monde. Entre deux giclées de plomb, trois débarquements de parachutistes humanitaires, une famine et une épidémie, travaillez votre manuel d’intégration, le livret du petit démocrate! C’est un examen redoutable qui vous attend! Du faux monde au « vrai » monde, la passe est une impasse. Démocratie, oui, mais réservée aux démocrates, n’est-ce-pas? Mondialisation du monde, certainement, mais sous la condition que son extérieur prouve qu’il mérite enfin d’être à l’intérieur.
En somme, de ce que le « monde » des démocrates n’est nullement le monde de « tout le monde », s’ensuit déjà que la démocratie, en tant qu’emblème et gardienne des murs où jouit et croit vivre son petit monde, rassemble une oligarchie conservatrice, dont tout l’office, souvent guerrier, est de maintenir, sous le nom usurpé de « monde », ce qui n’est que le territoire de sa vie animale.» Alain Badiou, extraits, in «L’emblème démocratique» p. 16, Démocratie dans quel état?, La fabrique, 2009.