Pierre-Henri Castel, Ames scrupuleuses, vies d’angoisses, tristes obsédés..

Pierre-Henri Castel, Ames scrupuleuses, vies d’angoisses, tristes obsédés – Vol. 1 – Obsessions et contrainte intérieure de l’Antiquité à Freud. in Le Journal de la philosophie, François Noudelmann
http://www.franceculture.fr/emission-le-journal-de-la-philosophie-ames-scrupuleuses-vies-d-angoisses-tristes-obsedes-vol-1-obses

«Ces phénomènes de troubles obsessionnels, d’angoisse… n’existent que sous des contraintes culturelles très fortes spécifiques de la culture occidentale: la thématique de l’individu, l’aspiration à devenir un individu et un moi responsable qui est la spécificité de la culture occidentale, en donnant à la valeur que les individus se donnent à eux-mêmes une valeur organisatrice par rapport à la vie sociale; ça produit ce type de comportements et les institutions* qui vont avec pour prendre soin de ceux qui se surveillent trop, se contrôlent trop etc. Cette culpabilité, ce rapport à soi qui a l’air très moral, très universel, très kantien, très augustinien… en réalité s’est incroyablement spécifié en France au 19e siècle, en Allemagne, en Angleterre et aux Etats-Unis en produisant des traditions psychiatriques particulières, —ce n’est pas du tout de la même manière qu’ont été compris les phénomènes de l’obsession dans ces quatre cultures politiques et morales, c’est la raison pour laquelle en France nous n’avons pas eu de névroses obsessionnelles mais c’est une invention autrichienne, celle de Freud par exemple.» Mais ce développement au long cours d’une analyse anthropologique et sociale notamment de la scène psychiatrique française —la psychasthénie de Pierre Janet, appuyée sur la sociologie de Gabriel Tarde sous-tendue par l’idéologie républicaine réactualisée par la psychiatrie actuelle en France— fait apparaître un déficit de plus fine intelligence de ces maladies qui se trouverait plutôt du côté de la psychanalyse, Freud en première ligne. Pierre-Henri Castel est psychanalyste, membre de l’association lacanienne internationale (aïe!). Toute l’analyse toute anthropologique qu’elle soit, nous ramène au soi intérieur, à son creusement vraiment en terme de trou abyssal et c’est cela qui fait froid dans le dos (!) [chimney sweeping douloureux qui nous ramène à la figure du ramoneur]. Mais l’entretien avec Philippe Petit, Les nouveaux chemins, de ce vendredi 2 décembre est très riche, de part la qualité même de l’intervieweur. A écouter en ligne. http://www.franceculture.fr/emission-les-nouveaux-chemins-de-la-connaissance-histoire-des-obsessions-de-l-antiquite-a-freud-2011
ou ici même
[audio:http://www.lantb.net/uebersicht/wp-mp3/Histoire des obsessions.mp3]
Autre qualité innovante: la bibliographie du livre est en ligne sur le site de l’éditeur Itaque avec les textes intégraux invoqués.
http://www.ithaque-editions.fr/livre/34/Ames+scrupuleuses-+vies+d—angoisse-+tristes+obsedes++-+vol.+I+-+-I-Obsessions+et+contrainte+interieure-+de+l—Antiquite+a+Freud-/I-#

*Note de bas de post
Hervé Bokobza est psychiatre, porte-parole du Collectif des 39 contre la nuit sécuritaire, un groupe qui s’est constitué, il y a trois ans, au lendemain du discours de Nicolas Sarkozy sur la «sécurisation» des hôpitaux psychiatriques. Entretien en 2009 pour Mediapart:
http://www.mediapart.fr/content/un-monde-sans-fou-entretien-avec-herve-bokobza%20target=
Extraits de ses propos-propositions actuels, insolites voire très dérangeants, tenus au Forum de la démocratie à Lyon et rapportés par Eric Faverau dans son article, Libération du 29 novembre 2011. Hervé Bokobza est en dialogue avec Claude Finkelstein, qui dirige la Fédération nationale des associations d’usagers en psychiatrie.
HB: «Oui, j’ai honte de notre silence, j’ai honte de la pratique dans certains lieux, mais n’est-ce pas un peu toute la société qui est anesthésiée ? Nous, au Collectif des 39, nous nous sommes créés contre cela» […] «Le malade n’est pas dangereux. Il l’est quand il est abandonné, isolé, reclus. Je crois qu’il faut fermer les hôpitaux psychiatriques et ouvrir des lieux pour accueillir ceux qui en ont besoin.» Il ajoute : «On a une mauvaise façon de voir, on parle toujours des 1% de malades qui sont hospitalisés, internés, des grands fous. Mais la très grande majorité se débrouille, vit dans la ville. On en connaît tous des gens qui sont un peu bizarres, qui délirent un peu, mais se débrouillent.» […] «Il faut aller vers des états généraux de la folie.»

Patrick Chemla: Effondrement de la psychiatrie ? http://www.mediapart.fr/content/un-monde-sans-fou-entretien-avec-patrick-chemla