Manifesta 11

Vous consultez actuellement les articles indexés Manifesta 11.

Depuis sa création à Rotterdam en 1996, chaque session de Manifesta, biennale européenne nomade d’art contemporain, adopte l’allure d’un projet de recherche artistique qui sonde «le paysage géopolitique et psychologique européen» sur le terrain précis d’une métropole. Du 11 juin au 18 septembre 2017, Manifesta 11 se tient à Zurich.

Son titre emblématique What People Do for Money: Some Joint Ventures, est parfaitement explicite : «Trente artistes (hommes ou femmes) internationaux développent des projets avec leurs «host(s)» (hôtes) – des représentant(e)s de différentes branches professionnelles sélectionné(e)s par eux/elles-mêmes. Les résultats de ces collaborations sont exposés dans les différents lieux de travail des hôtes (appelés satellites) dans le Helmhaus et dans la Kunsthalle de Zurich et le Migros Museum vidés pour accueillir la Manifesta», ces deux institutions étant elles-mêmes incluses au sein du Löwenbräukunst, bâtiment gigantesque hébergeant aussi des galeries d’art de haut vol. Il se crée dans le temps même de la Manifesta une continuité d’espace entre elle et les galeries d’art ouvertes en simultané.

Home de Heimo Zobernig créé pour Manifesta parachève cette expérience d’immersion artistique pour le visiteur : c’est une exposition-installation artistique épousant totalement l’espace du café du Löwenbräukunst, par un effet de fondu général au noir, des murs aux corbeilles à pain et incluant une salle de projection, une salle de lecture et une librairie, instillant une ambiance studieuse et apaisante.


Heimo Zobernig, Home, la corbeille à pains.


Dans le Helmhaus, l’exposition historique, Les Métiers de la performance artistique, Karmelo Bermejo, Sophie Calle, Fernando Sanchez Castillo, Jill Magid, Jonathan Monk, Yoshua Okon, Sarah Pickering, Matthias Wermke et Mischa Leinkauf

Le troisième mode de présentation pour chaque œuvre est le film de son processus et de sa réalisation par le duo artiste-professionnel, projeté dans le Pavillon of Reflections, une plate-forme flottante en bois, «icône architecturale de la Manifesta 11» avec écran géant, tribune pour les spectateurs associée à une piscine, et toute entière dédiée au dialogue et à une forme de «vivre ensemble» autour et avec les œuvres présentées. C’est un espace de documentation dans le temps réel des pièces présentées dans la ville.


Vue d’ensemble et vue rapprochée du Pavillon of Reflections.

C’est sur ce Pavillon que se greffe la pièce la plus saisissante et paradigmatique de l’esprit de cette Manifesta, fruit du travail du duo Maurizzio Cattelan, artiste et Edith Wolf-Hunkeler, championne paralympique. Une structure métallique amarrée au sol du Pavillon, à fleur d’eau, permet de faire glisser un fauteuil roulant à la surface du lac, évoquant évidemment Jésus marchant sur l’eau. Mais Edith Wolf-Hunkeler, d’une autre manière «occupe la place principale de l’œuvre. Ses apparitions miraculeuses sur le lac ne sont pas annoncées à l’avance, mais le meilleur endroit pour y assister sera depuis le pont du Pavillon.»


Le dispositif de Sans titre de Maurizzio Cattelan et Edith Wolf-Hunkeler, et l’apparition d’Edith à la surface de l’eau.

L’orientation volontaire de l’attention des regardeurs à la relation entre création artistique et travail professionnel est confortée, par l’extrême visibilité et lisibilité de la signalétique balisant ces trois types de lieux-dits qu’on découvre depuis les bus ou à pied, lorsque nous parcourons la ville librement. L’identité visuelle de la manifestation réalisé par Ruedi Baur marie typographie et pictogrammes en une utilisation éclatante du noir et blanc. Le caractère Manifesta Grow géométrique est devenu multi-ligne et rappelle les néons publicitaires. Le système de pictogrammes associé à la typographie, dans un bel équilibre texte-image «crée une narration en figures humaines dans l’exercice de leur activité, simplifiées, autour du thème du travail, réactivant «le langage visuel imaginé dans les années 30 par le sociologue Otto Neurath et le graphiste allemand Gert Arnst, créateur de l’ISOTYPE. Chaque scènette, print collé à même les murs, signale à la fois le lieu même de la pièce artistique et ce dont elle parle.


Ruedi Baur, signalétique. Les figures humaines diagrammatiques en papier découpé et collé à même les murs dans l’espace urbain nous guident vers les lieux d’exposition.

L’ordonnateur de toutes ces prestations est le vidéaste et artiste conceptuel Christian Jankowski «choisi en raison des principes clés de sa pratique artistique : des collaborations, l’implication de nouveaux groupes professionnels jusque-là parfaitement étrangers à l’art et ses réflexions sur les formats médiatiques.»

Un dernier élément contextuel de la manifestation est la réactualisation du Cabaret Voltaire, dadaïste, pour le 100e anniversaire de sa création, sous la forme d’un cabinet de performances, ouvert aux propositions du public.

Parmi les pièces les plus dramatiques, signalons Poker de Damas de Teresa Margolles : «ayant invité une escort girl de Zurich à jouer au poker avec une de ses collaboratrices transsexuelles, celle-ci fut entre temps assassinée, et les échos de ce féminicide résonnent dans le temps de l’exposition, dans le lieu hôte, un hôtel du quartier rouge de Zurich.»

Lien http://m11.manifesta.org/fr

Liliane Terrier.

Mots clés :