Francesco d’Errico. La faute des civilisations

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Dans le cadre du colloque de rentrée 2020 du Collège de France « Civilisations : questionner l’identité et la diversité ».
https://www.college-de-france.fr/site/colloque-2020/index.htm

Communication de Francesco d’Errico : « La faute des civilisations »

* ci-dessus deux slides successives à [19:00] du début de la communication, images à charge contre l’archéologue Gustave Kossinna et sa formule autochtoniste emblématique : «Un pot, un peuple» contredite par la carte du territoire culturel de la Corded Warela culture de la céramique cordée qui « doit son nom à ses poteries décorées par impression de cordelettes sur l’argile crue (avant cuisson) [slide 2]. Elle s’étendit sur tout le nord de l’Europe continentale, de la Russie au nord-est de la France en passant par la Scandinavie méridionale (où elle est désignée comme culture des tombes individuelles, Einzelgrabkultur, et plus au nord comme « culture des haches de combat »). Elle connût une migration de populations importantes venues de l’Est, devant leur ascendance à la culture Yamna.» (wikipedia)

https://www.college-de-france.fr/site/colloque-2020/symposium-2020-10-22-10h45.htm

Résumé de la communication :

« Pour le préhistorien que je suis, le mot « civilisation » est quelque peu dérangeant. On aura sans doute une sensation de déjà vu en lisant à propos des civilisations égyptiennes et aztèques, on acceptera de bon gré les arguments de ceux qui nous parlent de civilisation cardiale ou magdalénienne mais on sera interloqué par des collègues qui voudraient nous faire croire à une civilisation néandertalienne et même choqué par ceux qui nous imposeraient une civilisation australopithèque ou chimpanzé. Pourquoi une civilisation chinoise irait de soi mais celle des San du Kalahari nous poserait problème ? La raison du dérangement tient au premier abord aux nombreuses utilisations nationalistes, impérialistes et colonialistes du mot, source de préjudices plus vifs qu’on pourrait le croire dans l’imaginaire collectif. Ne sommes-nous pas entourés de concitoyens qui croient à la suprématie mondiale de la cuisine française, fleuron de la « civilisation française » ? Pour le chercheur, le dérangement vient de l’incapacité du mot à se libérer de sa nature dichotomique, de sa propension, en somme, à créer une frontière entre les membres ou assimilés et les autres, entre un avant et un après. Définitions et mises en garde ne suffisent pas pour parer l’effet barrière que le mot entraîne inévitablement. Les recherches sur l’évolution humaine ont été longtemps victimes de ce paradigme. On a cru qu’une révolution biologique et culturelle aurait créé les conditions nécessaires à la naissance des civilisations. On se rend compte de plus en plus que cette vision nous a empêchés de comprendre les processus culturels et biologiques qui ont forgé sur le long terme les cultures humaines et leur place dans la nature. »