Hulot

Taxe carbone : « Il manque un accompagnement social », affirme Nicolas Hulot. Pierre Le Hir. Le Monde.fr

Interrogé sur France 2, l’ancien ministre de la transition écologique a passé en revue la crise des « gilets jaunes » et l’avenir du nucléaire.

En pleine crise des « gilets jaunes » qui contestent la taxe carbone, l’ex-ministre de la transition écologique, Nicolas Hulot, est sorti de son silence, jeudi 22 novembre, sur le plateau de « L’Emission politique » de France 2. « A titre personnel, je vais bien, a-t-il déclaré. Mais pour aller bien, il faut ne pas regarder la réalité en face.

Questionné sur son départ, il a confirmé qu’il ne savait pas, jusqu’au dernier moment, qu’il allait démissionner. « C’est sorti tout seul. A partir du moment où je restais, je cautionnais l’impression qu’on était à la hauteur des enjeux », a-t-il expliqué. Il ne regrette toutefois pas sa décision, d’autant plus « qu’elle a été comprise », estime-t-il. « On n’avait pas le même diagnostic [avec Emmanuel Macron] à propos du réchauffement climatique », a-t-il dit.

A propos des « gilets jaunes » et de la taxe carbone, qu’il a défendue et assume, Nicolas Hulot juge qu’il a manqué « un accompagnement social digne de ce nom ». Il a aussi dénoncé, sur France 2, une fiscalité inéquitable. Selon lui, la crise des « gilets jaunes » était « évitable » : « Je me suis battu, et notamment les semaines qui ont précédé mon départ, pour qu’on change complètement d’échelle dans l’accompagnement social de la transition énergétique et écologique, avec des propositions concrètes. Je n’ai pas été entendu », a-t-il confié.

« J’aurais préféré ne pas avoir eu raison sur le risque d’emballement que l’on connaît », a-t-il ajouté, déplorant notamment le refus du gouvernement d’allouer 10 % des crédits générés par l’augmentation de la taxe carbone à cet accompagnement et une baisse des aides pour rénover les bâtiments et les « passoires » thermiques.

« La fin du monde »

Assurant avoir une « cruelle conscience »des « problèmes de fin de mois » de certains Français, il a appelé l’exécutif à saisir la proposition de la CFDT d’organiser les états généraux de la transition écologique. « Ce sont les plus faibles, les plus vulnérables qui se paient les conséquences du réchauffement climatique », a appuyé l’ancien ministre, évoquant les inondations à répétition ou la pollution par les algues sargasses, et regrettant cette « confrontation » entre l’écologie et le social.

Auteur du plan Climat lancé en juillet 2017, afin d’accélérer la mise en œuvre de l’accord de Paris de décembre 2015, Nicolas Hulot a défendu l’urgence de s’occuper, outre de la colère populaire, d’un « sujet qui s’appelle, ni plus ni moins, la fin du monde ».

A défaut d’avoir pu peser sur les derniers arbitrages de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) que le chef de l’Etat doit présenter mardi 27 novembre, M. Hulot a défini, comme un testament, la feuille de route qui devrait selon lui être suivie. Avec un discours très ferme sur le nucléaire, qu’il avait qualifié, lors de l’annonce de sa démission du gouvernement, le 28 août, de « folie inutile économiquement, techniquement, dans laquelle on s’entête ».

S’il « assume » l’abandon de l’échéance de 2025, inscrite dans la loi de transition énergétique, pour réduire la part de l’électricité d’origine nucléaire à 50 % (contre près de 75 % aujourd’hui), il estime qu’il faut « un calendrier » et « un échéancier » de fermetures de réacteurs, mais aussi qu’il faut donner le nom des installations qui seront mises à l’arrêt.

Mille milliards d’euros

Alors que certains scénarios étudiés par l’exécutif ne prévoient aucune fermeture sur la période couverte par la PPE, c’est-à-dire d’ici à 2028, il prône au contraire l’arrêt de six réacteurs avant cette date, en plus des deux tranches de la centrale alsacienne de Fessenheim, dont la déconnexion du réseau est déjà acquise. « Si on attend les dernières années [pour arrêter des réacteurs], je vous fiche mon billet que ça ne se fera pas », a-t-il prophétisé. Il se dit aussi hostile à toute programmation de construction de nouveaux EPR : « Relancer les EPR maintenant, c’est condamner le développement des énergies renouvelables », prévient-il, en appelant à « mettre le paquet sur l’efficacité énergétique et la réduction de la consommation ». Et de mettre sur la table une proposition, déjà formulée par certains : « Injecter 1 000 milliards d’euros dans la transition énergétique au niveau européen ».

M. Hulot, qui n’a pas toujours été un farouche antinucléaire, affiche aujourd’hui « de grandes réserves » vis-à-vis de cette énergie, en raison des risques qu’elle présente mais aussi des déchets qu’elle génère. « Des déchets qu’on va mettre à Bure[le site meusien retenu pour l’enfouissement des résidus les plus radioactifs] parce qu’on ne sait pas où les mettre », pointe-t-il, ajoutant : « Si on fait trois ou quatre EPR, ça veut dire qu’on va faire trois ou quatre Bure ? Eh bien bon courage ! »

Face à une agricultrice céréalière du Tarn, l’ex-ministre a dû cette fois défendre son bilan, en justifiant la décision du gouvernement de sortir du glyphosate d’ici trois ans. Il a mis en avant les exigences de santé et d’environnement, mais aussi d’accompagnement des agriculteurs dans cette transition. Une façon, selon lui, de « concilier le court terme et le long terme », de ne pas opposer « les fins de mois difficiles des Français » et « la fin du monde, en tout cas d’un monde pacifique » annoncée par « la crise écologique ».