avril 2018

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« Tandis que l’animisme déchiffre les signes de l’altérité dans la discontinuité des corps, le naturalisme les reconnaît dans la discontinuité des esprits. Se différencie de moi celui qui, parlant une autre langue, croyant en d’autres valeurs, pensant selon d’autres catégories, percevant selon une autre «vision du monde», n’est plus mon exact semblable tant sont distinctes des miennes les «représentations collectives» auxquelles il adhère et qui conditionnent son action. Une coutume bizarre, une pratique énigmatique ou répugnante s’expliquent alors par le fait que ceux qui s’y adonnent ne peuvent faire autrement que croire (penser, se représenter, imaginer, juger, supposer…) que c’est ainsi qu’il faut procéder si l’on veut atteindre telle ou telle fin. C’est affaire de «mentalités» -un domaine fertile de lhistoire-, et si celles-ci sont réputées connaissables jusqu’à un certain point par les traces qu’elles laissent dans des expressions publiques, il est toutefois impossible de pénétrer leurs ressorts ultimes, car je ne peux me glisser tout à fait dans l’esprit de l’autre, même le plus proche. Pour notre malheur de sujets naturalistes, il n’y a pas d’équivalent spirituel de la métamorphose, seulement ces efforts inaboutis que tentent la poésie, la psychanalyse ou la mystique. On comprend, dans ces conditions, que l’altérité radicale réside du côté de ceux qui sont dépourvus d’esprit ou ne savent pas s’en servir: les sauvages jadis, les malades mentaux aujourd’hui, et surtout l’immense multitude des non-humains, les animaux, les objets, les plantes, les pierres, les nuages, tout ce chaos matériel à l’existence machinale dont l’homme dans sa sagesse s’occupe de déterminer les lois de composition et de fonctionnement. »

Philippe Descola, Par-delà nature et culture, « Métaphysique des mœurs » pp. 497-498, folio essais

première présentation sur le site http://m12.manifesta.org/

Manifesta, la Biennale européenne de l’art contemporain nomade, a vu le jour au début des années 1990 en réponse aux changements politiques, économiques et sociaux qui ont suivi la fin de la guerre froide et aux étapes ultérieures de la construction européenne. Depuis lors, Manifesta est devenue une plateforme itinérante axée sur le dialogue entre l’art et la société en Europe. Manifesta est un projet basé sur la communauté: son succès dépend de la collaboration entre les acteurs internationaux et locaux et de l’implication et de l’engagement des communautés locales.

La ville de Palerme a joué un rôle important dans le jury de Manifesta pour sa représentation de deux thèmes importants qui identifient l’Europe contemporaine: la migration et les changements climatiques et la façon dont ces problèmes affectent nos villes. L’histoire multicouche et profondément condensée de Palerme – occupée par presque toutes les civilisations européennes et ayant des liens à long terme avec l’Afrique du Nord et la Méditerranée orientale au cours des 2000 dernières années – a laissé ses traces dans cette société multiculturelle au cœur de la région méditerranéenne.

«Manifesta 12 à Palerme est un grand défi pour repenser à quel point les interventions culturelles peuvent contribuer à redéfinir l’un des carrefours méditerranéens les plus emblématiques de notre histoire dans le cadre d’un processus de transformation à long terme. Manifesta 12 soulèvera des questions telles que: «Qui est propriétaire de la ville de Palerme?» Et «Comment récupérer la ville?» Les problèmes migratoires de la ville symbolisent la situation de crise plus large à laquelle l’Europe est confrontée en ce moment.

Hedwig Fijen, directrice de Manifesta

 

 

 

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« Mes modèles, figures humaines, ne sont jamais des « figurantes » dans un intérieur . Elles sont le thème principal de mon travail. Je dépends absolument de mon modèle que j’observe en liberté, et c’est ensuite que je me décide pour lui fixer la pose qui correspond le plus « à son naturel ». Quand je prends un nouveau modèle, c’est dans son abandon au repos que je devine la pose qui lui convient et dont je me rends esclave. Je garde ces jeunes filles souvent plusieurs années, jusqu’à épuisement d’intérêt. Mes signes plastiques expriment probablement leur état d’âme*(mot que je n’aime pas) auquel je m’intéresse inconsciemment ou bien alors à quoi? Leurs formes ne sont pas toujours parfaites, mais elles sont toujours expressives. L’intérêt émotif qu’elles m’inspirent ne se voit pas spécialement sur la représentation de leur corps, mais souvent par des lignes ou des valeurs spéciales qui sont répandues sur toute la toile ou sur le papier et en forment une orchestration, son architecture. Mais tout le monde ne s’en aperçoit pas. C’est peut être de la volupté sublimée, ce qui n’est peut être pas encore perceptible pour tout le monde. » non datées, notes reprises in Aragon, Henri Matisse, roman I, p. 173

* « Ce qui m’intéresse le plus, ce n’est ni la nature morte, ni le paysage, c’est la figure. C’est elle qui me permet le mieux d’exprimer le sentiment pour ainsi dire religieux que je possède de la vie. Je ne m’attache pas à détailler tous les traits du visage, à les rendre un à un dans leur exactitude anatomique. Si j’ai un modèle italien, dont le premier aspect ne suggère que l’idée d’une existence purement animale, je découvre cependant chez lui des traits essentiels, je pénètre, parmi les lignes de son visage, celles qui traduisent ce caractère de haute gravité qui persiste dans tout être humain. » http://lantb.net/figure/?p=4607