Démocratie

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Exergue: Après avoir vu le film, non, Adèle n’est pas émersonnienne, malheureusement. Il reste de ce film tripes-sur-la-table, un macGuffin, le plat de spaghetti, qui pourrait figurer un nœud de vipères, s’il n’était bologniaisé si abondamment: «Qu’on en vienne à mélanger de nouveau les faits et les valeurs, et voilà que la flèche du temps allait s’interrompre, hésiter, s’agiter, se tordre en tous sens et ressembler à un plat de spaghettis, —ou plutôt, à un nœud de vipères.» (Bruno Latour, Enquête sur les modes d’existence, p. 21)

Chronique de Sandra Laugier* parue sous le titre «Le perfectionnisme d’Adèle», dans Libération, Next, 9 novembre 2013; ou aller voir La Vie d’Adèle au nom de la « Self-reliance » d’Emerson:

«Le philosophe Stanley Cavell définit le perfectionnisme moral par l’idée d’être fidèle à soi-même, ou à l’humanité qui est en soi, «l’âme prenant la route (vers le haut, vers l’avant)» et refusant la société au nom de cette exigence, et d’une culture. Culture au sens de Bildung, d’éducation, et de la «culture populaire» dont Cavell, à la suite d’Emerson, n’a cessé de démontrer qu’elle assumait la tâche de transmission et d’expression de l’aspiration démocratique, d’une société où chacun aurait sa juste voix : que ce soit dans les comédies hollywoodiennes du remariage, ou dans les drames du non-mariage et de la «femme inconnue». La Vie d’Adèle, d’Abdellatif Kechiche, hérite des deux genres tout en en radicalisant les enjeux démocratiques.

Tout a été dit de la Vie d’Adèle : l’amour, le sexe, la souffrance ; l’émotion brutale que suscite la vision des trois heures de ce film. Sauf : que ce partage des émotions est motivé non par quelque «universalité» de la passion lesbienne singulière qui nous est contée, mais par ce qui drive l’héroïne, Adèle, et nous avec elle. C’est bien ce perfectionnisme —avant même LA rencontre, après même LA rupture, et au delà—, ce désir d’aller hors et en avant de soi, par l’éducation suscitée par la rencontre d’autrui ou d’œuvres (Marivaux, comme dans l’Esquive, dont la Vie d’Adèle suit directement ; la peinture, Emma étant étudiante aux beaux-arts)— qui meut en Adèle le désir et le manque d’une autre vie, d’une expression plus juste, d’une conversation véritable. Cavell liste, dans Conditions nobles et ignobles,les fondamentaux du perfectionnisme :

«Un mode de conversation entre des ami-e-s (un-e plus âgé et un-e plus jeune) / dont l’un-e dispose d’une autorité intellectuelle ; parce que sa vie est représentative ou exemplaire d’une vie qui est une attraction pour l’autre ; et le moi se reconnaît enchaîné dans cette attirance et découvre qu’il peut se retourner (se convertir, se révolutionner) ; commence un processus d’éducation où chaque moi se trouve entraîné vers un état plus avancé; qui trouve expression dans le rêve d’une transformation de la société.»

C’est le scénario parallèle et perfectionniste de la Vie d’Adèle. Adèle énonce tranquillement —lors de la scène du dîner chez les parents bobos, super tolérants et limite condescendants d’Emma— son but dans la vie: devenir institutrice. La temporalité du film est marquée par les étapes de l’histoire d’amour mais aussi de son parcours de bonne élève à cette profession qui lui permet de survivre aux émotions qui la «trans-versent» et d’exercer sa capacité d’éduquer autrui —pas seulement ses élèves, mais nous spectateurs. Il y a une dimension d’amitié dans la rencontre perfectionniste, comme dans le remariage (Cary Grant et Katharine Hepburn dans The Philadelphia Story [Indiscrétions, ndlr] de Cukor): éducation morale réciproque et transformation égalitaire des deux éléments du couple, qui idéalisent la conversation démocratique. C’est, au contraire, l’impossibilité d’une telle conversation que l’on trouve dans le genre (mélo) drame, où le perfectionnisme doit se manifester et s’exercer autrement —par la confiance en soi et l’expressivité singulière, une réappropriation non conformiste (pour Adèle, comme pour Ennis et Jack dans Brokeback Mountain, d’Ang Lee) de l’humain. Après Nietzsche et Schopenhauer éducateurs, Adèle perfectionniste-éducatrice nous apprend par sa présence le renversement des valeurs. Le perfectionnisme, c’est aussi ce qui permet la transgression de l’inégalité sociale inscrite au générique (l’inconnue Adèle Exarchopoulos vs la star montante et socialisée Léa Seydoux), le film mettant en évidence l’incapacité d’Emma à honorer la demande perfectionniste, à se laisser réciproquement éduquer et, non sans cruauté, le conformisme de son discours culturel. Transgression qui explique la polémique autour du film, dans cette priorité au visage d’Adèle et à l’inscription du personnage dans notre expérience, faisant du perfectionnisme moral, loin d’une quête abstraite du bien, une forme de vie —cette «vie» dont il est question dans le titre du film, celle du vivant vulnérable ordinaire, avec ses larmes— par le miracle de ce que Cavell appelle la photogenèse, ou la création d’une femme.

Le réalisme du film est aussi dans ce coup de force esthétique, perfectionniste et démocratique: le partage de la palme d’or cannoise et spielbergienne entre le réalisateur et les actrices du film, reconnaissance du caractère collectif de l’œuvre et démythification de la figure virile de l’Auteur; le fait, dont certains se sont émus, qu’un grand quotidien consacre sa une à la sortie du film en salles, reconnaissance de son importance dans la vie publique et dans nos vies de spectateurs ; le succès populaire et juvénile (plus de 700 000 entrées) d’un film long et laborieux y compris le tournage —autant de signes que le cinéma peut donner vie à l’éthique et rendre à la philosophie son rôle, pour citer Cavell encore, d’«éducation des adultes» par un amour de la vérité toujours révolutionnaire.»

*Sandra Laugier est professeure de philosophie à l’université Paris-I Panthéon- Sorbonne. Cette chronique est assurée en alternance par Sandra Laugier, Michaël Fœssel, Beatriz Preciado et Frédéric Worms.

INTERVIEW. Jacques Lévy Géographe, professeur à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) in Libération du jour

RECUEILLI PAR SIBYLLE VINCENDON
Paris aurait perdu son peuple, chassé par la gentrification. La recherche de la mixité sociale ne serait qu’une illusion, participant au contraire à ce mouvement centrifuge. Dans nos pages, la géographe Anne Clerval développait cette thèse radicale. Jacques Lévy, géographe, professeur à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), récuse cette vision de l’embourgeoisement.

Est-ce que le concept de gentrification a un sens ?

Pour répondre à cette question, il faut revenir au sens que lui ont donné ceux qui ont inventé la notion de gentrification, c’est-à-dire d’embourgeoisement. Qu’appelle-t-on «bourgeoisie» ? Dans la tradition marxiste, une petite partie de la population profitait du travail des autres parce qu’elle possédait le capital. Il y avait une immense majorité de prolétaires et une petite minorité de bourgeois avec des zones-tampons plus ou moins nettes entre les deux groupes. A l’époque de Marx, il existait effectivement deux blocs très inégaux en terme de pouvoir et de nombre. Quand on parle aujourd’hui de gentrification dans les villes contemporaines du monde développé, on évoque la présence de groupes sociaux extrêmement larges, où l’on trouve des travailleurs à capital culturel élevé, des salariés exerçant des professions non manuelles à forte composante créative et dont la qualité de travail dépend de leur capacité à prendre des initiatives. Ce sont les catégories nommées par l’Insee «cadres et professions intellectuelles supérieures» (ingénieurs, professeurs, chercheurs, artistes, journalistes, cadres supérieurs) ou «professions intermédiaires» (techniciens, infirmières, cadres moyens, etc.).

Le fait de les classer comme bourgeois, ou même «petits bourgeois», pose problème. En effet, il est difficile de conserver le modèle marxien quand, dans les grandes villes, ces gens appelés «petits bourgeois» ou «gentry» deviennent majoritaires dans la population. Parmi les douze millions de Franciliens, ces catégories représentent environ 55 % de la population active. Paris intra-muros est bien plus proche de l’ensemble de l’Ile-de-France que l’Ile-de-France ne l’est des autres métropoles françaises. Cela signifie que l’on ne peut faire comme si la composition sociale du centre était aberrante. Elle est au contraire assez représentative de celle de la métropole francilienne.

Mais cela ne signifie-t-il pas, justement, que la gentrification a gagné contre le peuple ?

Tout dépend de ce qu’on appelle le peuple. Il y a une ambiguïté dans le terme. On continue parfois à utiliser l’expression «classes populaires» pour parler des personnes de condition modeste, souvent issues du monde ouvrier et fréquemment aussi des employés, ceux qui disposent le moins de moyens à la fois économiques et culturels pour être acteurs de leur propre vie. A Paris, il y a quand même bien un peuple, simplement il a changé. Et au sein de l’Ile-de-France, Paris est la zone où le niveau de mixité est de loin le plus élevé, y compris à des échelons très fins.

Il serait étrange d’incriminer le centre comme le problème alors que, plus on s’en éloigne, plus on rencontre une fragmentation en quartiers homogènes, riches ou pauvres, et séparés les uns des autres. Les douze millions de Franciliens forment un peuple très consistant, la plus grosse société urbaine de France, qui produit 30% du PIB national. Ce ne sont pas des parasites. Ou alors, il faudrait nous expliquer comment il peut y avoir une majorité de parasites et une minorité de gens exploités. Aujourd’hui, le peuple a changé et le modèle marxien classique ne permet pas de comprendre comment tout cela fonctionne.

De plus en plus de jeux vidéo misent sur l’intelligence collective pour résoudre les maux de l’humanité.Par MORGANE TUAL

Vous culpabilisez de passer des jours et des nuits sur des jeux vidéo ? Rassurez-vous : d’ici à 2020, jouer sera considéré comme une bonne action. D’un clic, un mouvement de manette ou un tapotement sur votre mobile, vous pourrez défendre l’environnement, nourrir des enfants démunis et même faire progresser la recherche. Des mondes virtuels au monde réel, il n’y a qu’un pas que les jeux vidéo commencent déjà à franchir. Avec un impact inattendu.

La preuve avec Foldit, une sorte de puzzle en 3D permettant de modéliser des molécules lancé en 2008. Ludique et addictif – contrairement aux apparences -, il a séduit des milliers de joueurs à travers le monde qui, en moins de deux semaines, ont réussi à modéliser la structure d’une enzyme liée au sida sur laquelle les chercheurs se cassaient le nez depuis quinze ans ! Un vrai coup de pouce à la recherche sur le VIH qui contribuera à la conception de futurs traitements.

Chaton.

Si Foldit met à profit l’intelligence collective de ses joueurs, d’autres, plus terre à terre, font appel à leur portefeuille pour changer le monde. World of Warcraft, jeu au succès planétaire, a ainsi mis en vente un chaton virtuel à 10 dollars au profit de la Croix-Rouge américaine. Et ça valait le coup : 2,3 millions de dollars (1,7 million d’euros) ont ainsi été récoltés.

Les plus fauchés peuvent se rabattre sur WeTopia, un jeu Facebook permettant de donner à des associations caritatives sans débourser un centime. Le but est de construire un village responsable et de récolter des «points de joie» convertibles en dons, bien réels, financés par les annonceurs du jeu.

Le simple fait de passer du temps à jouer peut donc permettre de soutenir de bonnes actions. Le potentiel est immense quand on sait que, chaque semaine, trois milliards d’heures sont passées devant des jeux vidéo… Un chiffre en constante augmentation. Mais insuffisant, si l’on en croit Jane McGonigal, chercheuse à l’Institute for the Future : «Si nous voulons résoudre des problèmes comme la faim, la pauvreté, le changement climatique, la guerre ou l’obésité, il faudrait atteindre vingt-et-un milliards d’heures par semaine d’ici la fin de la décennie», a-t-elle déclaré sans ciller face aux rires de son auditoire lors d’une conférence TED en mai 2012, rencontre annuelle de «propagateurs d’idées» organisée en Californie.

Car, en plus de lever de l’argent, les jeux vidéo amènent le joueur à réfléchir, progresser et innover. «On participe, on essaie, on échoue, on répète, on se dépasse : on prend plaisir à surmonter des obstacles. Le tout avec une récompense immédiate, ce qui est extrêmement gratifiant», explique Julian Alvarez, responsable de LudoScience, un laboratoire de recherche sur les jeux vidéo. Une énergie dont s’est emparée l’ONU : après avoir lancé Freerice, un quiz basique permettant de «récolter» des grains de riz pour les plus démunis, les Nations unies utilisent désormais le jeu de construction Minecraft pour aider les habitants des bidonvilles à s’impliquer dans l’aménagment du territoire en leur permettant de reconstruire leur quartier virtuellement.

Handicapé.

Le divertissement n’est donc plus l’unique objectif, en témoigne la multiplication des serious games, conçus pour sensibiliser le public à une cause. Spent, lancé par une ONG américaine, place le joueur dans la peau d’un parent célibataire expulsé de son logement avec 1 000 dollars en poche. Objectif : finir le mois. Un pari bien plus complexe qu’il n’y paraît, amenant à prendre des décisions difficiles. Et, in fine, à mieux comprendre la spirale de la pauvreté. Même démarche du côté d’Ubisoft, qui a développé Handigo avec Handicap International. Le joueur se met dans la situation d’un handicapé moteur qui doit affronter les obstacles du quotidien. «Nous pensons que le jeu vidéo est un média et qu’il peut contribuer à faire passer des messages», affirme-t-on chez le studio français.

Et pourquoi pas à sauver des vies ? C’est en tout cas le pari des autorités américaines qui viennent de lancer Disaster Hero, un jeu pour apprendre à réagir face à des catastrophes naturelles comme Katrina ou Sandy. Et qui sait combien de morts seront évitées grâce à Freedom HIV-AIDS, jeu pour mobiles consacré à la prévention du sida, téléchargé par des millions d’Indiens ?

Avec l’essor des téléphones portables, notamment dans les pays en développement, la planète comptera en 2020 plus d’1,5 milliard de joueurs réguliers. De quoi sauver plus que des mondes virtuels.»

Libération, 7 février 2013. Tribune. Par Bernard Roques, Professeur émérite à l’université Paris-Descartes, membre de l’Institut de France et Patrick Aeberhard, Ancien président de Médecins du monde, professeur et chercheur associé à Paris-VIII

«Alors que le gouvernement vient d’autoriser, cette semaine, l’expérimentation d’une salle de consommation d’héroïne à moindre risque à Paris, des réactions très vives se font connaître utilisant des arguments moraux tout en excluant l’exigence humanitaire de cette décision.

Le sujet n’est pas nouveau. Nous avions, lors d’un rapport sur la dangerosité des drogues en 1997 (1), insisté sur l’importance de la prise en charge de cette population à risques majeurs, pour diminuer les accidents très graves, voire mortels, les contaminations diverses et le climat d’insécurité (rixes, vols, prostitution, entretien des réseaux mafieux) qui s’y attachent. Cette pratique sanitaire avait montré son efficacité en terme d’amélioration de la sécurité publique. Nous utilisions l’exemple de la ville de Genève (2) et avions recommandé de mettre en place un tel programme à titre expérimental, dans des conditions médicales bien définies avec des moyens suffisants et dans un nombre de centres limités.

Le programme expérimental genevois, dont la responsable nous avait accueillis, s’inscrivait dans le cadre d’une étude fédérale. Il visait à intégrer, dans le réseau sanitaire (94% y sont restés), des patients dont la santé était massivement atteinte par des années de consommation d’héroïne et de marginalité, et de les conduire à un rythme individualisé vers des traitements de substitution, essentiellement par la méthadone, ou vers l’abstinence.

Le profil des patients à l’admission au traitement est constitué principalement de jeunes adultes masculins (plus de 30 ans) qui s’injectent l’héroïne depuis plus de douze ans. Ils ont fait de nombreuses tentatives infructueuses de traitement, de nombreuses overdoses et tentatives de suicide réitérées. Plus de la moitié consomme des benzodiazépines, et l’usage de la cocaïne intraveineuse était en augmentation. Leur histoire médicale révèle une haute prévalence de troubles psychiatriques. Plus d’un quart était positif pour le VIH.

Au bout de cinq ans, une diminution de la consommation illégale d’héroïne s’est associée à une amélioration significative de la santé mentale, une diminution des tentatives de suicides, l’amélioration du fonctionnement social, et la diminution des poursuites. Les patients avaient presque tous réglé leurs problèmes financiers et trouvé un toit, tous étaient assurés et avaient repris des activités adaptées. Ceci démontre l’efficacité du programme à la fois pour le toxicomane et pour son environnement.

Le programme français devait être évalué par un comité national aidé de collègues suisses s’il avait été mis en place. Il n’en a rien été. Quinze ans se sont écoulés, des centaines de personnes sont décédées faute de cette prise en charge, l’épidémie de VIH est loin d’avoir reculé chez les héroïnomanes, la contamination par l’hépatite C s’est amplifiée. Dans de nombreux autres pays européens (Allemagne, Hollande, Royaume-Uni, et Espagne…) de tels programmes sont mis en place. Ces expériences ont été évaluées et ont montré leur efficacité au même titre que les autres mesures de réduction des risques associés aux infections VIH et VHC, aux overdoses, aux infections cutanées, aux septicémies, aux endocardites mais aussi en terme de sécurité publique et de diminution des violences dans certains quartiers.

Cet enjeu de santé publique est de la responsabilité du gouvernement. Les précédents ministres de la Santé, Michèle Barzach, Bernard Kouchner, Philippe Douste-Blazy et Simone Veil, ont permis à la France de retrouver son rang, en développant la vente libre des seringues en pharmacie, le programme d’échange de seringues, les médicaments de substitution à l’héroïne. La politique de réduction des risques est devenue officielle en France grâce à eux et aux ONG qui ont fait pression sur les politiques. La réduction des risques a été inscrite dans le code de la santé publique en 2004 et il est prévu par la loi de pouvoir mener des expérimentations, la présente y compris.

Le débat a été relancé par de nombreux intervenants élus, chercheurs et journalistes. Des municipalités ont accepté de participer à l’expérimentation, en particulier Paris, Marseille et Bordeaux. De nombreux partenaires médicaux et sociaux (Médecins du monde et Gaïa) attendent depuis des années la possibilité d’innover dans les contenus habituellement définis dans ce type de salles. Leur lettre d’intention insiste sur l’éducation aux risques liés à l’injection avec des conseils dépendant de la nature des produits consommés. Ces associations et leurs intervenants médicaux et sociaux ont plus de vingt ans d’expérience, ils seront les garants de programmes dont les caractères humains et sanitaires n’ont échappé à personne. Il faut donc continuer d’ouvrir rapidement des salles de consommation à moindre risque et à visée éducative, étendre cette politique à d’autres villes où se trouvent des populations d’usagers de drogues précarisés.»

(1) «La Dangerosité des drogues», éditions Odile Jacob (le rapport Roques, mai 1998 par la Documentation française.)
(2) La Politique genevoise en matière de toxicomanies, conférence de presse 22 mai 2001.

   
http://camstl.org/exhibitions/main-gallery/jeremy-deller-joy-in-people/
«The Contemporary Art Museum St. Louis (CAM) is pleased to present Jeremy Deller: Joy in People, the first mid-career survey of one of Britain’s most significant contemporary artists. Over the past two decades, Jeremy Deller has redefined the rules of contemporary art and become a profound influence on artists emerging today. His practice puts everyday life and experience at the center of his internationally recognized collaborative and interactive work, celebrating how people’s activities transform mass culture or become part of the popular imagination itself. Deller’s statement that « art isn’t about what you make but what you make happen » is reflected in the way that he assembles things, stages events, and orchestrates and directs ephemeral yet galvanizing situations.

Joy in People will radically and dynamically transform CAM’s entire museum space and features a comprehensive selection of Deller’s major installations, photographs, videos, posters, banners, performances, and sound works. This presentation includes Open Bedroom (1993), a life-size reconstruction of his first exhibition staged in his parents’ house while they were away on vacation, and Valerie’s Snack Bar (2009), a functioning replica of a Manchester café, originally created as a parade float (complemented by large-scale parade banners and a video of the procession).

Many of Deller’s projects over the years have dealt with the social meanings of popular music. Joy in People presents a number of his pioneering works, such as The Uses of Literacy (1997), an installation incorporating art by fans of the Welsh rock group Manic Street Preachers, and Our Hobby is Depeche Mode (2006), a video and archive based on the international devotees of the 1980s electro-pop band.

Deller’s work also incisively explores how the use of power by those in authority affects everyday people. His epic 2001 project, The Battle of Orgreave, is a two-part installation about a violent 1984 confrontation between striking coal miners and mounted police—an event he re-staged with historical re-enactors and former miners. More recently, Deller has explored the more arcane aspects of American culture and the legacy of the British glam wrestler Adrian Street.

An extensive array of public programs is planned to complement the exhibition, including a live performance of Deller’s pivotal 1997 work Acid Brass, in which acid house techno music is played by a traditional brass band, as well as a discussion between the artist and key participants in It Is What It Is, his 2009 project about the Iraq War. CAM’s museum store, CAM POP, will also be specially curated to reflect Deller’s exuberant embrace of both high and low culture.

Jeremy Deller (b. 1966, London; lives in London) will represent Britain at the 2013 Venice Biennale. He studied art history at the Courtauld Institute of Art and University of Sussex and, in 2004, won the Turner Prize. His work has been presented in solo exhibitions at the New Museum of Contemporary Art, New York (in collaboration with the Museum of Contemporary Art, Chicago, and the Hammer Museum, Los Angeles, 2009), the Palais de Tokyo, Paris (2008), and the Kunstverein in Munch (2005), and in major group exhibitions such as September 11 at MoMA PS1, Long Island City, New York (2011), the Sao Paolo Biennale, Sao Paolo, Brazil (2010), and the 54th Carnegie International, Carnegie Museum of Art, Pittsburgh (2004), among many others.

Jeremy Deller: Joy in People is organized by the Hayward Gallery, London, where it was curated by Director Ralph Rugoff. The exhibition is coordinated at the Contemporary Art Museum St. Louis by Chief Curator Dominic Molon and is accompanied by a fully illustrated catalog.»


Derrière le petit peuple des mouettes, sur cette plage-«plateau terrestre», je lis à fleur d’écran de mon iphone, cette strophe du Poème de l’angle droit de Le Corbusier:

«L’univers de nos yeux repose / sur un plateau bordé d’horizon / La face tournée vers le ciel / Considérons l’espace inconcevable / jusqu’ici insaisi. / Reposer s’étendre dormir / – mourir / Le dos au sol…
Mais je me suis mis debout! / Puisque tu es droit / te voilà propre aux actes. / Droit sur le plateau terrestre / des choses saisissables tu / contractes avec la nature un / pacte de solidarité : c’est l’angle droit / Debout devant la mer vertical / te voilà sur tes jambes.»

Cette grande plage fait alors irrésistiblement penser aux plages du Débarquement (D Day 6 juin 1944), qui se situent un peu plus loin, à l’ouest de Cabourg.
Ces plages devraient être au patrimoine mondial de l’Unesco en 2014.
Et la guerre en Syrie, c’est quoi?

Tout le texte est bien, historique et tout! Qu’est-ce que l’école de Genève: il y en a deux, différentes, mais qui fusionnent. Autre intérêt, l’attention à l’Europe de l’est dont on se fiche en France. Et on peut dire aussi que ce texte de par son titre est un «coup de pied en vache [suisse]» à Voltaire et à Nelson Goodman (Manières de faire des mondes). Il se clôt sur une redéfinition du terme «Humaniste».
Extrait: http://www.editionszoe.ch/livre/notre-seul-notre-unique-jardin

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Samedi 10 mars 2012, afternoon, salle Olivier Mosset, Musée des beaux-arts de La Chaux-de-Fonds. photo © JLB
Christian Robert-Tissot (né en 1960, Suisse), Dos au mur, acrylique sur toile.
Rudolf Mumprecht, Information Auf Grau (N°284), 1973, le très beau cartel collé sous la peinture même, sur le plat de la tablette au-dessus du radiateur à l’alignement aussi de la  haute plinthe grise et qui court le long de tous les murs des salles d’exposition.


Cher, mais fait du bien à deux niveaux, (se faire du bien au corps et «faire la pitié au peuple»), chez Merci, en solo, au café du rez-de-jardin. Une sensation d’être un fantôme, d’être morte, mais c’est agréable.

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«Marier les technologies d’Internet et les énergies renouvelables» (Pour François H. et Eva J…) D’où parle Rifkin*?
Interview de l’essayiste et économiste, par Christophe Alix, in Libération ce jour. «Rifkin était à Paris pour le lancement de son dernier essai, la Troisième Révolution industrielle. Il y détaille ses solutions pour sortir de l’ère des énergies fossiles et renouer avec une croissance durable. Il y enterre l’ordre ancien, celui d’avant l’Internet, et trace la perspective d’une société plus ouverte dans laquelle nos rapports aux pouvoirs seront transformés.»

 
«Quel est le fil conducteur de la troisième révolution industrielle ? Mes recherches depuis trente ans m’ont amené à cette conclusion : lorsqu’un nouveau système énergétique rencontre une nouvelle technologie de communication, il se produit une transformation radicale à l’échelle de l’histoire. Cette transformation bouleverse non seulement l’organisation économique de la production et des échanges mais aussi la manière d’exercer le pouvoir et jusqu’aux relations humaines. Un nouveau récit collectif peut alors émerger.

Parlez-nous de cette rencontre… Sa matrice, c’est la fusion des technologies de l’Internet et des énergies renouvelables. La première révolution industrielle avait vu converger la machine à vapeur et le charbon avec l’imprimerie. La seconde fut celle du mariage de l’électricité avec le téléphone puis la radio et la télévision. Celle que nous vivons nous donne l’opportunité de sortir d’une double impasse économique et écologique : l’épuisement d’un modèle de croissance, fondé tant sur les énergies fossiles que sur le pétrole, et le réchauffement climatique qui menace notre planète. Nous avons la technologie et le plan d’action. Aurons-nous assez de lucidité pour lancer celui-ci à temps ?

La crise actuelle serait donc énergétique, on n’en sortira pas tant que l’on n’aura pas effectué cette transition… Peu l’ont vu mais son déclenchement remonte à juillet 2008, lorsque le cours du pétrole a atteint le record de 147 dollars le baril. Nous avons alors atteint le «pic de la mondialisation». Ce renchérissement du coût de l’énergie a entraîné une hausse des prix de tous les produits et s’est traduit par un effondrement du pouvoir d’achat. La crise financière, soixante jours plus tard, n’a été qu’une réplique, une deuxième onde de choc. Vue sous cet angle, l’explosion des dettes publiques et privées est la conséquence de l’essoufflement de la deuxième révolution industrielle, celle du pétrole abondant et bon marché.

Si le diagnostic de la crise n’est pas bon, les réponses données le sont-elles plus ? On aura beau se désendetter tout en essayant de produire toujours plus de richesses – c’est le cas en 2012 par rapport à 2008 -, on fera face à des alternances de phases de reprise et de rechute de plus en plus rapprochées. Chaque nouveau cycle de croissance viendra buter sur ce mur des 150 dollars le baril. On peut réformer le marché du travail et réguler le monde de la finance, cela ne servira à rien si l’on n’a pas un plan pour croître durablement.

L’Europe n’est-elle pas le continent le plus avancé dans cette transition ? Nous avons identifié cinq piliers qui en font l’ossature et c’est vrai que l’Europe, surtout l’Allemagne, n’a pas attendu la crise pour se lancer. Le premier est le passage aux renouvelables avec 20% d’énergie propre d’ici à 2020 et 85 à 95% en 2050. Le second concerne la transformation de tous les bâtiments en microcentrales productrices d’énergie. Il y en a 191 millions en Europe, c’est un chantier susceptible de créer des millions d’emplois et d’entreprises. L’Allemagne, qui s’est fixée de parvenir à 35% d’énergie verte d’ici à quelques années, a déjà un million de bâtiments équipés et a créé 250 000 emplois dans ce secteur. Le troisième pilier, le plus difficile à maîtriser, c’est le stockage de cette énergie intermittente.

Mais personne ne produira assez d’énergie pour être autonome. Comment la mutualise-t-on ? Grâce à l’Internet, l’énergie créée sera partagée de la même manière que l’information en ligne aujourd’hui. Quand des millions d’immeubles produiront localement une petite quantité d’énergie, ils pourront vendre au réseau leurs excédents et acheter ce qui leur manque grâce à ce partage coopératif et décentralisé. A long terme, l’énergie deviendra quasi gratuite et l’accès à ces services l’emportera sur la propriété pour devenir le moteur essentiel de l’économie. Le dernier pilier concerne les transports avec le passage à des véhicules électriques ou à pile à combustible capables de vendre et d’acheter de l’électricité sur un réseau intelligent.

A quelles conditions ce plan peut-il fonctionner ? Ces cinq piliers doivent être mis en place simultanément, sinon leurs fondations ne tiendront pas. Pour ne l’avoir pas compris, l’administration Obama est en train d’échouer dans l’économie verte malgré les milliards de dollars investis. Elle raisonne en «silo», sans connecter entre eux ces piliers.

En quoi cette transformation va-t-elle révolutionner la société ? La nouvelle matrice de communication et d’énergie distribuée va impulser une réorganisation complète de nos économies avec le passage d’un pouvoir hiérarchique et vertical à un pouvoir latéral et horizontal, de pair à pair pour reprendre l’analogie avec l’Internet. Il deviendra anachronique de raisonner en termes de droite et de gauche. La nouvelle ligne de partage passera de plus en plus entre ceux qui pensent en termes de collaboration, d’ouverture et de transparence et ceux qui s’accrochent au vieux modèle industriel déclinant et qui pensent en termes de hiérarchie, de barrières et de propriété.

Le nucléaire a-t-il encore un avenir ? Aux antipodes de cette production partagée, l’atome est une énergie centralisée par essence qui cumule bien trop de handicaps pour représenter une alternative. Il n’a jamais été propre à cause de ses déchets radioactifs et reste une petite source d’énergie à l’échelle mondiale. 400 centrales fournissent 6% de l’énergie dans le monde et, pour passer à 20% – le seuil minimal pour avoir un impact sur le réchauffement -, il faudrait construire trois centrales par semaine d’ici à 2031 ! C’est techniquement impossible et inconcevable politiquement depuis Fukushima.

Quel est le lien entre la difficulté de la France à rentrer dans cette nouvelle ère et la place qu’y occupe le nucléaire ? Le nucléaire incarne le vieux modèle industriel centralisé et le retard de la France est largement lié à sa prégnance culturelle sur vos élites. C’est très différent avec l’Allemagne dont le système fédéral est déjà en soi un pouvoir distribué et partagé. Votre modèle centralisé qui était un atout hier est devenu un handicap. Mais je ne veux pas croire que la patrie de Jean Monnet, qui a insufflé la vision d’une Europe politique sans laquelle le paquet «énergie – climat» de 2008 par exemple n’aurait jamais vu le jour, ne peut pas réussir cette transition autant culturelle qu’énergétique.

N’êtes-vous pas un grand utopiste ? Optimiste sans doute, utopiste, non. Je ne propose pas une panacée qui guérira la société de ses maux ni une utopie qui nous conduira vers la terre promise. C’est un plan pragmatique pour tenter la traversée jusqu’à une ère postcarbone durable. S’il y a un plan B, je ne le connais pas.»

* in Wikipédia on lit:
«J. Rifkin a conseillé la Commission européenne et le Parlement européen. Il a également conseillé le Premier ministre espagnol José Luis Rodríguez Zapatero quand il était Président de l’Union européenne. Il a aussi été conseiller de la chancelière allemande Angela Merkel , du Premier ministre portugais José Socrates, du président Nicolas Sarkozy et du Premier ministre slovénien Janez Janša lors de leurs présidences respectives du Conseil de l’Europe, sur les questions liées à l’économie, au changement climatique et à la sécurité énergétique. Rifkin travaille actuellement avec les responsables européens pour aider à façonner à long terme une troisième révolution industrielle pour l’Union européenne.»


Comme en «illustration», en bas de page de cet article,  le dessin de Willem

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