MOTIFS GÉOMÉTRIQUES D’ORNEMENTATION AU MIDDLE STONE AGE* DE L’AFRIQUE DU SUD
* L’expression Middle Stone Age, en abrégé MSA, désigne un ensemble d’industries lithiques préhistoriques trouvées en Afrique australe et orientale, plus ou moins contemporaines des industries du Paléolithique moyen, vers 350 000 ans environ AP — avant le présent — et s’achève vers 45 000 ans AP identifiées en Afrique du Nord, en Europe et en Asie.
Sources : « An abstract drawing from the 73,000-year-old levels at Blombos Cave, South Africa Christopher S. Henshilwood, Francesco d’Errico, Karen L. van Niekerk, Laure Dayet, Alain Queffelec & Luca Pollarolo » publié dans la revue Nature.
https://www.hominides.com/html/actualites/dessin-ocre-traces-73000-ans-blombos-1267.php
Le premier dessin au crayon d’ocre : 73 000 ans (Middle Stone Age)
Photo : D’Errico / Henshilwood / Nature.
« Un éclat de silicium présente des traits dessinés avec un crayon d’ocre. Ce petit tracé a été trouvé en 2015 dans la grotte de Blombos, Afrique du Sud. C’est un motif hachuré, composé de neuf fines lignes d’ocre dessinées à la surface d’un petit morceau de roche siliceuse. La pièce est donc au moins 30 000 ans plus vieille que les précédents dessins abstraits ou figuratifs connus auparavant. Elle a été retrouvée dans une strate de 73 000 ans BP dans laquelle les chercheurs extrayaient par ailleurs du matériel lithique. Le défi méthodologique majeur consistait à prouver que ces lignes avaient été délibérément dessinées par des humains. C’est pour cette raison que les chercheurs ont pris presque 3 ans entre la découverte du dessin (2015) et la publication (2018). Les équipes ont travaillé sur la composition des matériaux avec une analyse chimique des pigments. En utilisant des méthodes d’archéologie expérimentale, les chercheurs ont essayé de reproduire les mêmes lignes avec différentes techniques. Ils ont testé des fragments d’ocres différents, avec une pointe ou avec une arête, et ont également appliqué différentes dilutions aqueuses de poudre d’ocre. En utilisant des techniques d’analyse microscopique, chimique et tribologique (friction et usure), ils ont comparé leurs dessins à l’original. Leurs résultats confirment que les lignes ont été intentionnellement dessinées avec un outil ocre pointu sur une surface d’abord lissée par frottement. Ce motif constitue ainsi le premier dessin connu, qui rejoint la gravure sur bloc d’ocre déjà retrouvée à Blombos et datée de 75 000 ans. » La communication a été publiée dans la revue Naturepar une équipe internationale qui regroupe des chercheurs des unités de recherche PACEA (CNRS / Université de Bordeaux / Ministère de la Culture) et TRACES (CNRS / Université de Toulouse-Jean Jaurès / Ministère de la Culture).
La gravure sur bloc d’ocre déjà retrouvée à Blombos et datée de 75 000 ans
Classes River, Bomblos 100-71 ka
Des signes gravés il y a 500 000 ans. Quelques lignes gravées sur un coquillage
Photo : Wim Lustenhouwer, Vrije Universiteit
« En 2007, Stephen Munro était un étudiant diplômé en archéologie. Alors qu’il étudiait quelques coquilles de Java, en Indonésie, il a eu le choc de sa vie : il a constaté que l’une des coquilles avait un motif de lignes en zig-zag gravé à la surface. En utilisant la microscopie, l’archéologue Francesco d’Errico (Université de Bordeaux) a montré que les marques avaient été réalisées en une seule session à l’aide d’un outil tranchant.
Les coquillages fossilisés se trouvaient dans une collection du musée depuis un certain temps. Ils provenaient du site de Trinil à Java en Indonésie et avaient été découverts par Eugène Dubois en 1891. L’équipe, composée de 21 chercheurs (Université libre d’Amsterdam), a analysé les coquilles et les sédiments associés. Le motif géométrique gravé sur l’une des coquilles était totalement inattendu. Il faut noter que pour faire ressortir les lignes gravées il faut que la lumière se présente sous un angle particulier. Les chercheurs ont daté les sédiments d’où ont été extraits les coquilles et ont estimé que leur âge se situe entre – 430 000 et – 540 000 années à l’aide de deux méthode de datation différentes (Argon et thermoluminescence).
Il y a 500 000 ans (datation du coquillage), Homo sapiens n’existait pas encore. En Indonésie, une espèce était présente, Homo Erectus. Cette espèce d’hominidé vivait depuis 1,9 millions d’années. Originaires d’Afrique, les Homo erectus se sont répandus vers la Géorgie, l’Inde, le Sri Lanka, la Chine et Java. On peut donc penser que cet Homo erectus à Java utilisait ces coquilles de moules d’eau douce comme outils il y a un demi-million d’années, et qu’il gravait parfois ces « outils » de motifs géométriques. « Jusqu’à cette découverte, on supposait que des gravures comparables n’avaient été faites que par des hommes modernes (Homo sapiens) en Afrique, il y a environ 100.000 ans », explique l’auteur principal de l’étude, José Joordens (Faculté d’Archéologie à l’Université de Leiden).
http://www.nature.com/nature/journal/vaop/ncurrent/full/nature13962.html
Coquilles d’œuf d’autruche gravées
Une catégorie d’ornementation MSA se présente sous la forme de coquille d’œuf d’autruche incisée. Certains fragments incisés dans le MSA d’Apollo 11, Namibie, ont une coloration rouge (Wendt 1972 ; Vogelsang 1998 : 84). Les coquilles d’œufs d’autruche gravées de Howiesons Poort sont les plus connues, elles font partie de la collection abondante de Diepkloof, dans le Western Cape (Parkington et al. 2005 ; Texier et al. 2010, 2013).
Figure 3 : 1–6 : Les motifs en forme d’échelle sont les plus courants et constituent la plus ancienne des gravures en couches de Governor à Ester. D’autres comprennent des lignes profondément gravées, droites, sous-parallèles, une grille hachurée, des lignes courbes et sous-parallèles et un motif de courbure inversée. Le Howiesons Poort de Klipdrift, dans la région sud du Cap en Afrique du Sud, compte 95 morceaux de coquille d’œuf d’autruche gravés d’une variété de motifs géométriques (Henshilwood et al. 2014).
Figure 3 : 7-12 : Les dessins sont similaires à ceux de Diepkloof et comprennent des hachures croisées et des lignes sous-parallèles, mais excluent le motif de lignes d’intersection sous-parallèles. Un nouveau motif à Klipdrift comprend un motif hachuré en forme de losange différent de la grille hachurée à Diepkloof (Henshilwood et al. 2014).
Carte de l’Afrique du Sud montrant l’emplacement du complexe de la grotte Klipdrift et d’autres sites MSA. Henshilwood et al., 2014.
Documents rassemblés par L.T.